Enseigner à blanc | Rémunération des stages en enseignement

Réunies par le mouvement CRAIES depuis bientôt deux ans, les associations étudiantes en science de l’éducation du Québec s’unissent et revendiquent une compensation financière lors de leur stage final, dont la charge de travail est colossale. Dans un contexte de coupes budgétaires en éducation, le combat s’annonce ardu.

Alors que les élèves de l’école primaire de Chambly où Geneviève Adam effectue son stage retournent à la maison, celle-ci profite de l’accalmie pour gérer ses dossiers d’élèves et faire ses planifications du lendemain. Vers 16h30, la finissante en adaptation scolaire et sociale à l’UQAM rentre chez elle à son tour, où plusieurs travaux l’attendent. Comme des milliers d’autres étudiants en enseignement du Québec, la stagiaire en orthopédagogie doit compléter des tâches en dehors de ses heures à l’école, comme son journal réflexif quotidien et le portrait de chacun de ses élèves.

Excédés par la charge de travail de leur quatrième et dernier stage, entièrement bénévole, les étudiants en enseignement du Québec ont initié en août 2014 la Campagne de revendication et d’actions interuniversitaires des étudiant-es en éducation en stage (CRAIES). La principale requête au gouvernement est d’obtenir une compensation financière de 330 $ par semaine pour les trois mois de prise en charge complète. «En ce moment, on est surtout dans la phase de mobilisation et de visibilité», explique Xavier Dandavino, responsable aux affaires externes à l’Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM (ADEESE). «Ce qu’on a fait d’original avec la CRAIES, c’est de rassembler les personnes concernées autour d’une même table, ce qui n’avait pas été fait auparavant», estime celui qui rappelle que cette revendication ne date pas d’hier.

La CRAIES n’a pas de porte-parole ou d’organisation officielle; le mouvement est constitué de plusieurs associations étudiantes en éducation qui ont chacune leur vision, étant donné la réalité des stages qui diverge d’un programme et d’une université à l’autre. «Il faut réfléchir ensemble à un plan d’action auquel tout le monde va vouloir participer. Je dirais que c’est ça le défi», analyse Xavier Dandavino.

Contexte d’austérité

Coordonnatrice des stages au baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire à l’UQAM, Kimberly Gromko croit qu’il serait intéressant et encourageant pour les étudiants d’être rémunérés pour leur dernier stage. Toutefois, elle ne voit pas d’où proviendrait l’argent. «Dans le contexte économique actuel, ce n’est pas réaliste», évalue-t-elle. La professeure rappelle que chaque stagiaire est jumelé à un enseignant associé, donc qu’il serait improbable de rémunérer deux personnes qui sont affectées à la même tâche. «Et si on payait seulement le stagiaire, quel professeur demanderait à en accueillir un dans sa classe?», s’interroge-t-elle.

L’accumulation du stress et l’endettement font partie de la réalité de plusieurs étudiants lors de leur prise en charge, rapporte Xavier Dandavino. «Le plus grave, c’est qu’on est concentrés vers autre chose que notre stage parce qu’on est stressés financièrement et qu’on a des travaux à remettre», relate-t-il. Pour Geneviève Adam, ce qu’on attend des futurs enseignants au stage final est irréaliste. «On nous demande de nous démarquer et de prendre des initiatives, raconte l’étudiante. C’est difficile. On ne peut pas vraiment aller au-delà des exigences de base.» La future enseignante, qui honorait des contrats de tutorat parallèlement à ses études, a dû arrêter pour son stage, faute de temps. «J’habite chez mes parents, mais j’ai des amis qui n’ont pas le choix de continuer à travailler et qui ont de la misère à y arriver, se désole-t-elle. Si on était payés, ça nous donnerait l’opportunité de souffler.»

La doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM, Monique Brodeur, rappelle que la profession enseignante est exigeante, et qu’il est donc attendu que la formation le soit aussi. «Dans la vie, si nous voulons atteindre de hauts standards de qualité, cela nécessite des efforts», croit-elle. Elle estime que les professeurs sont conscients de la réalité des stagiaires et soutient que leurs exigences permettent aux étudiants de bonifier leur formation, tout en pouvant préserver une vie saine et équilibrée.

Faire front commun face au gouvernement

Une fois que la CRAIES aura suffisamment mobilisé ses troupes et que l’enjeu jouira d’une plus grande visibilité sur la place publique, la prochaine étape sera de bâtir un argumentaire, détaille Xavier Dandavino. «Nous voulons faire en sorte que les décideurs politiques ne puissent pas facilement tasser l’enjeu du revers de la main», complète celui qui estime que le gouvernement n’est actuellement pas très intéressé, malgré qu’il soit bien au fait du dossier. La demande d’entrevue du Montréal Campus au ministère de l’Éducation a été déclinée.

«Je suis déjà fatiguée et brûlée et mon stage ne fait que commencer, confie Geneviève Adam. C’est certain que ça nous donnerait un coup de pouce d’être payés, mais considérant les coupes en éducation, je me dis que mon stage ne dure que quelques mois, alors que les enfants fréquentent cette école pendant six ans. Les besoins des élèves passent avant ceux des stagiaires», concède l’étudiante.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *