Malédiction à l’Éducation?

La chaise musicale se poursuit au ministère de l’Éducation. Avec la nomination de Sébastien Proulx, le 22 février, sept ministres se sont maintenant relayés en l’espace d’un peu moins de quatre ans. Entrevue avec un expert uqamien sur la situation.  

À la suite du départ de Line Beauchamp en mai 2012, cinq ministres ont tenté de dompter le ministère de l’Éducation, sans succès. Le Parti libéral du Québec peine d’ailleurs à trouver une personne apte à gérer cette entité. Le gouvernement a mandaté Sébastien Proulx pour succéder au ministre Pierre Moreau, forcé par la maladie à quitter son poste moins d’un mois après son assermentation. Il devient le quatrième ministre de l’Éducation depuis l’arrivée de Philippe Couillard au pouvoir.

Le Montréal Campus s’est entretenu avec Hugo Rangel Torrijo, professeur associé au Département d’éducation et formation spécialisées de l’UQAM et spécialiste de l’analyse de la politique de l’éducation, afin de se pencher sur l’instabilité ministérielle. Étant donné le passage écourté de Pierre Moreau en éducation, le bilan que dresse M. Rangel Torrijo porte plutôt sur ses cinq prédécesseurs.

Montréal Campus: Quel est votre bilan du rendement des cinq derniers ministres (Line Beauchamp, Michelle Courchesne, Marie Malavoy, Yves Bolduc et François Blais) ?

Hugo Rangel Torrijo: Il est difficile de dresser un portrait parce que ces ministres étaient confinés à un agenda partisan imposé par les gouvernements en place. Par exemple, Line Beauchamp a dû composer avec le dossier de la hausse des frais de scolarité. Yves Bolduc et François Blais ont tenté tant bien que mal d’œuvrer avec les compressions budgétaires. Ainsi, au final, on n’aperçoit pas réellement des politiques éducatives, ni des directives pour chaque niveau de l’enseignement.

M.C.: Pourquoi ces derniers ministres de l’Éducation ont-ils connu tant de difficultés, considérant qu’ils avaient tous beaucoup d’expérience au sein d’autres ministères?  

H.R.T.: Le système éducatif exige plus qu’une simple «gestion». L’administration des ressources reste importante, mais elle ne constitue qu’une dimension de ce ministère. Tant que les ministres ne seront pas sensibilisés à la problématique éducative, à ses particularités, aux demandes citoyennes, ils continueront à éprouver ces difficultés.

M.C.: Est-il plus long de prendre connaissance de tous les dossiers en éducation que dans les autres ministères?

H.R.T.: Je ne connais pas en profondeur les autres ministères, mais j’ai toujours insisté sur le fait qu’on ne peut pas considérer les politiques éducatives au même titre que les autres programmes gouvernementaux. Les politiques éducatives impliquent l’adoption de valeurs et de projets de société. Malheureusement, les politiciens oublient souvent cette idée.

C. : Y a-t-il également un manque de préparation en raison des arrivées «précipitées»?

H . R. T.: Il est évident que les politiciens prennent souvent en charge les dossiers éducatifs sans une connaissance adéquate des problématiques du milieu, ce qui engendre des improvisations, des revers et même des maladresses.    

M.C.: A-t-on tendance à placer des figures d’autorité au poste de ministre malgré un possible manque de connaissances de leur part sur la gestion du ministère de l’Éducation?

H . R. T.: Oui, et cette habitude relève de notre système politique. Cependant, on s’attendrait de la part de ces figures d’autorité une capacité de leadership pour travailler avec les spécialistes, les groupes d’intérêt et les acteurs en général.

M.C.: La grosseur du portefeuille en éducation pose-t-elle problème dans la gestion des dossiers?

H . R. T.: L’ampleur du ministère représente en effet un enjeu considérable, mais je dirais que la principale difficulté demeure la complexité et la spécificité de chaque domaine du ministère qui exigent des connaissances sur des thèmes aussi divers que les écoles primaires, les universités, les syndicats, les commissions scolaires, etc.

M.C.: Devrions-nous instaurer une politique publique nationale pour éviter que les idéologies des partis dictent les décisions à prendre?

H . R. T.: Oui, idéalement on devrait établir des politiques publiques nationales stables et continues. Il faut ne faut pas non plus nécessairement instaurer des politiques neutres ou purement techniques, tout au contraire. Cependant, les partis au pouvoir essaient souvent d’imprimer «une signature» personnelle ou partisane oubliant ainsi les politiques proprement dites. Les problématiques auxquelles celles-co devraient répondre restent fréquemment sans solution ou avec des réponses partielles et incomplètes.  

M.C.: A-t-on tendance à instaurer des mesures plus «populistes» en éducation depuis les dernières années?

H . R. T.: Malheureusement, les partis politiques proposent souvent des solutions simplistes, voire même «populistes» à des problèmes complexes. La réforme éducative du Québec constitue un exemple significatif alors que les résultats ont été contraires aux attentes des politiciens.

M.C.: Est-ce que les étudiants sont les premiers touchés par cette instabilité?

H . R. T.: En  principe, les étudiants devraient être épargnés par les changements de ministres, c’est plutôt le manque de suivi et bien sûr, le manque de ressources qui affectent la vie des élèves. Les coupes, les moyens de pression, les jours de grève et le manque d’activités parascolaires représentent autant d’exemples.

Photo: Flickr  Paul VanDerWerf

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