Lutter dans l’unité

L’exclusion des hommes a été un élément clé pour plusieurs féministes dans le mouvement de dénonciation des agressions à caractère sexuel des dernières semaines.

La vague de dénonciation à l’UQAM a provoqué une véritable onde de choc au sein des groupes féministes non mixte. S’ils mettent les hommes en dehors de certains comités et rencontres, les militantes ont du et doivent toujours résister aux préjugés envers leur mode de fonctionnement. Leur approche féministe est nécessaire dans les cas de harcèlement et d’agression sexuelle, disent-elles.

«On ne se sentait pas vraiment en sécurité durant les évènements des dernières semaines, avoue la présidente du Centre des femmes de l’UQAM, Audrey Lefrançois- Coutu. Les gens cherchaient les coupables des dénonciations et on se faisait pointer  du doigt.» La présidente et la responsable aux communications du Centre des femmes, Catherine Guay-Dorion, rapporte que le groupe s’est fait accuser à tort et à travers sur les médias sociaux d’être responsable de ces évènements. Les militantes du Centre des femmes doivent aussi vivre constamment avec les graffitis haineux sur leurs pancartes et près de leur local.

Il y a consensus parmi les féministes rencontrées à propos de la pertinence des groupes non mixtes dans la lutte pour l’égalité des sexes. Ce mode d’organisation est efficace dans le mouvement des femmes, selon la doctorante en science politique à l’Université Laval, Stéphanie Mayer. «Ça permet notamment une plus grande liberté dans leurs prises de décision», soulève cette ancienne étudiante de l’UQAM. Avec les dénonciations massives de harcèlement et d’agressions sexuelles, la non-mixité offre une forme de sécurité à celles qui en ont besoin. «Ça aide les femmes à être plus à l’aise d’en parler», explique Catherine Guay-Dorion.

La collaboration des hommes est souhaitable pour l’avancement de la cause, estime Stéphanie Mayer, auteure d’un mémoire sur la question de la non-mixité. «Les femmes se sont organisées entre elles, et elles ont voulu mettre leurs voix en commun, élabore-t-elle. Mais on souhaite toutes, en temps que féministes, que les hommes se portent solidaires et qu’ils dénoncent eux aussi les comportements inégalitaires.»

Le Centre des femmes de l’UQAM se doit d’être mixte puisqu’il relève des Services à la vie étudiante de l’université. L’administration offre néanmoins une certaine flexibilité pour le groupe féministe en fonction des différentes thématiques de leurs activités. «Lorsqu’il est question d’agression sexuelle, on préfère organiser des activités non mixtes, explique Audrey Lefrançois- Coutu. C’est un sujet délicat qui marque les personnes touchées. On a senti de la compréhension du côté des Services à la vie étudiante.»

Bien que les hommes et les femmes puissent se présenter pour être membres de l’exécutif du Centre, seules des femmes ont pris ces responsabilités depuis de nombreuses années. Pour pallier les problèmes de harcèlement et d’agressions sexuelles, le Centre des femmes de l’UQAM milite pour la mise en place d’un groupe de soutien et de prévention à l’université. «Le Centre des femmes est un groupe d’information, mais on n’a pas la formation pour répondre efficacement à une personne en détresse», explique Audrey Lefrançois-Coutu. Les militantes du Centre pensent que le soutien aux victimes fait défaut à l’UQAM. «Pour l’instant, quand une femme veut porter plainte, elle doit aller voir une secrétaire, s’indigne la présidente du Centre des femmes. Ça nous prend une organisation structurée avec des intervenantes professionnelles. » Les deux étudiantes estiment qu’un fonctionnement non mixte devrait être envisagé. «Ça prendrait du moins une approche féministe comme les victimes sont bien souvent des femmes», ajoute Catherine Guay-Dorion.

Un problème de longue date

Les militantes tiennent à rappeler que le problème des agressions sexuelles est un combat de tous les jours depuis longtemps ignoré. «On en parle beaucoup maintenant, mais il faut rappeler que ce ne sont pas des cas isolés, tient à spécifier Audrey Lefrançois-Coutu. Il y en a tous les ans, on en a même vu l’an passé à l’UQAM. C’est un problème récurrent.» Par exemple, au poste de police du quartier 21 où se situe l’UQAM, les policiers ont dû gérer plus de 40 plaintes par année depuis les 10 dernières années. «[Au Centre des femmes] c’est une réalité à laquelle on doit tout le temps faire face à défaut  d’avoir un Centre de prévention des agressions sexuelles à l’UQAM», rappelle la présidente. Selon Stéphanie Mayer, la non-mixité reste un mode d’organisation à préconiser dans la lutte aux agressions sexuelles. «Chacun a un rôle à jouer dans la transformation des rapports sociaux, soutient la doctorante. Je pense quand même que c’est plus facile de s’organiser dans la non-mixité.»

À l’université, un pas de l’avant a été fait, avec l’ouverture d’un deuxième poste temporaire au Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement, afin de gérer un plus grand nombres de plaintes.

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