Les vices cachées de l’UQAM

La communauté uqamienne remet en doute un rapport qui estime que l’application de la liberté d’expression prônée par l’université contient quelques failles.

Le Justice Centre for Constitutional Freedoms (JCCF) a publié récemment son quatrième rapport annuel sur la liberté d’expression au sein des universités canadiennes financées par l’État. Selon le 2014 Campus Freedom Index, l’UQAM obtient des notes moyennes sur les politiques et le fonctionnement de l’administration et des associations étudiantes.

Les auteurs du rapport, l’avocat John Carpay et le politologue Michael Kennedy examinent dans un premier temps les politiques officielles de l’UQAM. Les deux chercheurs soulignent que la politique 28 sur les relations interethniques, qui prohibe la discrimination, pourrait être utilisée pour censurer un discours politique critiquant un groupe identifiable. Ils ajoutent d’ailleurs que la politique requiert que les différents groupes étudiants entretiennent des «rapports harmonieux», sans définir ce concept. Par ces termes vagues, l’UQAM pourrait museler un groupe qui tient des propos que d’autres jugent «offensants», sous la clause des «rapports harmonieux».

Le vice-recteur à la Vie universitaire, Marc Turgeon, est interloqué par les conclusions du rapport. «Je ne sais pas qui a fait cet index, je ne sais pas à quoi ils pensaient, mais j’ai envie de leur demander sur quelle planète ils habitent pour s’imaginer que l’UQAM est une université qui censure les opinions politiques des gens», s’est-il exclamé. Pour lui, une formulation ambigüe n’est pas suffisante pour critiquer les intentions de l’université. «Ça fait dur comme raisonnement, c’est vraiment la logique du pire, la théorie du complot, la paranoïa», a-t-il martelé.

Le vice-recteur ajoute qu’il serait possible de réviser les politiques, puisqu’elles commencent à dater. L’UQAM les a élaborées il y a une vingtaine d’années. «Le portrait sociologique de l’université a évolué depuis, on pourrait voir si la politique est adaptée aux situations qu’on vit en matière de diversité ethnique. Périodiquement on met à jour ces politiques, parce que l’université évolue», précise Marc Turgeon. À l’heure actuelle, l’UQAM révise sa politique sur le harcèlement psychologique et sur le conflit d’intérêts et s’attaquera bientôt à celle sur le harcèlement sexuel.

 

Haro sur les assos

Les associations étudiantes sont aussi sévèrement critiquées par le 2014 Campus Freedom Index, notamment à propos de la grève de 2012. Le rapport leur reproche la faible représentation étudiante de 10 à 20 % aux assemblées générales de grève et l’absence de vote secret, ce qui aurait encouragé la discrimination. Ils dénoncent aussi l’attitude des étudiants opposés à la hausse des frais de scolarité qui huaient les membres ayant des opinions contraires à la leur. Le piquetage qui empêchait les étudiants d’accéder à leurs salles de classe est aussi pointé du doigt.

Le responsable aux affaires institutionnelles de l’Association des étudiants et des étudiantes de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM (ADEESE), Karl Bernatchez, nuance les points soulevés par le rapport. «La plupart des étudiants vont accepter cette critique s’ils ne prennent pas la peine de participer à un système référendaire ou à une assemblée alors qu’ils ont totalement le droit de le faire», explique-t-il. Il rejette également la critique formulée sur le taux de participation au vote. «Les assemblées générales de grève en 2012 représentaient beaucoup plus que ça. Le mouvement aurait fini par mourir de lui-même si ça représentait juste 10 %», assure Karl Bernatchez.

La présence des étudiants a varié d’une association à l’autre durant la grève généralisée de 2012. À l’ADEESE, qui représente près de 5000 étudiants, le taux de participation avoisinait les 14 %, avec plus de 700 membres présents lors de l’assemblée de déclenchement de grève du 23 mars 2012. L’Association facultaire étudiante de science politique et droit (AFESPED) affichait quant à elle un taux de 32 %. «Sans dire que cette démocratie est parfaite, ça reste un processus d’apprentissage et de politique pour des gens tout droit sortis du cégep qui apprennent à prendre des décisions de groupe, à les mettre en pratique. Ça fait partie de la game», explique-t-il.
Les conclusions du rapport ont été tirées à partir des informations données par des collaborateurs universitaires. «La recherche se fait en partie par les étudiants-chercheurs qui peuvent nous donner des informations de première main à propos de la situation sur leur campus», dénote Micheal Kennedy. Les associations étudiantes ont aussi eu leur mot à dire dans le processus. «En 2013-2014, nous avons envoyé des sondages aux associations de chacune des universités étudiées pour connaître leur expérience avec la liberté d’expression sur le campus», assure-t-il.

Le rapport critique également que l’UQAM ne soit pas intervenue pour arrêter les manifestations qui interrompaient le bon déroulement des activités. Un reproche injustifié, selon Karl Bernatchez. «Si la communauté universitaire accepte un vote comme représentatif ou légitime, si une association facultaire décide de déclencher une grève, l’UQAM ne doit pas lutter contre elle, ça fait partie de la liberté d’expression», note-t-il. Le rapport lui parait en ce sens contradictoire. «Si l’UQAM était intervenue, c’est là qu’elle aurait fait de la censure», conclut-il.

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