De la marelle à la scène

Pour enrichir la culture générale des jeunes étudiants et développer une passion pour le genre dramatique, de plus en plus de théâtres mettent sur pieds des dossiers pédagogiques à la disposition des enseignants.

Les projecteurs s’allument, le rideau se lève et les comédiens s’animent devant leurs spectateurs. Ceux-ci ne sont pas des couples en sortie ni des amateurs de théâtre, mais des jeunes, là pour apprendre. Si la leçon s’est transposée de la classe aux planches de théâtre, c’est à l’aide de guides pédagogiques mis à la disposition des enseignants par les théâtres. Grâce à ces outils, les élèves peuvent apprécier leur rencontre théâtrale car ils sont préparés longtemps à l’avance.

Avant d’amener leurs élèves au théâtre, comme le Théâtre Denise-Pelletier ou la Maison Théâtre par exemple, les enseignants se dotent d’une trousse d’outils pédagogiques bien remplie. Un guide étoffé d’une quarantaine de pages est produit par le directeur artistique du théâtre choisi. Des spécialistes, en histoire ou en philosophie, participent à la confection de cette publication afin que la pièce qui sera présentée soit bien mise en contexte. Dans ce cahier remis aux enseignants, on y présente l’équipe du spectacle, un résumé de la pièce, les divers personnages ainsi qu’un entretien avec le metteur en scène afin de comprendre ses intentions. Les enseignants peuvent ainsi attirer l’attention des élèves sur des points bien spécifiques de la représentation. Dans le cas de Marie Tudor, pièce présentée au théâtre Denise-Pelletier, des liens sont également faits avec certaines femmes de pouvoir de l’histoire afin de bien cerner le contexte historique qui entoure la pièce. Les élèves sont ensuite invités à rédiger un travail scolaire sur le sujet. «À chaque guide élaboré, on se demande quelle est la meilleure personne pour traiter du sujet. Il faut aussi nous assurer que ces personnes-là peuvent écrire pour un jeune de 15 ans, parce qu’on ne peut pas se retrouver avec une thèse universitaire, le texte doit rester accessible», soutient le directeur artistique du Théâtre Denise-Pelletier, Pierre Rousseau.

En 1990, le Théâtre Denise-Pelletier a commencé à développer un nouveau volet, davantage axé sur la préparation à la rencontre théâtrale des étudiants et enseignants. «À la suite des États généraux sur l’éducation en 1995, un des éléments qui est ressorti était qu’il fallait rehausser la culture générale des jeunes et nous, c’est ce qu’on essaie de faire», ajoute Pierre Rousseau.  Le concept des ateliers repose sur la visite du directeur artistique du théâtre, qui se déplace dans les écoles afin d’expliquer aux élèves le contenu de la pièce. Ces rencontres d’un peu plus d’une heure permettent notamment aux enfants d’interpréter l’oeuvre qu’ils iront voir, de l’apprécier avec un esprit critique ainsi que de comprendre leur rôle en tant que spectateurs. «Ce que l’on veut surtout faire, c’est permettre aux jeunes de mieux apprécier la représentation, qu’ils soient mieux outillés et pour le reste, c’est l’enseignant qui fait son travail», explique le directeur artistique Pierre Rousseau.

Pour l’enseignante de 5e secondaire au Collège de Montréal, Marie-Ève Miville-Deschênes, l’intérêt de ces guides pédagogiques réside dans la présentation des personnages. «Quand on a accès à la description des personnages à l’avance, on stimule davantage l’imagination des élèves, ça crée une attente. Quand on va voir la pièce, ils sont confrontés à ce qu’ils ont imaginé. Puis, on fait un retour sur ce qu’eux-mêmes ont inventé», explique la professeure de français.

Démystifier des tabous

Dans la ville de Beloeil, les jeunes étudiants poussent la leçon encore plus loin et explorent certains sujets encore sensibles au sein de la société. Dans une coproduction des théâtres Abat-Jour et l’Arrière Scène, Tout ce que vous n’avez pas vu la télé aborde de front les questions d’homosexualité et d’homoparentalité. Écrit par Simon Boulerice, la pièce a nécessité un guide pédagogique un peu plus costaud qu’à l’habitude. «Nous avons tout de même tenu à rassurer les enseignants qu’il y aurait des outils pour venir en aide aux jeunes dans le besoin, si ça brassait certaines émotions. On a mis l’accent sur l’après», soutient la responsable des relations avec le milieu scolaire et médiation culturelle à l’Arrière Scène, Eveline Payette.

Des projets particuliers ont permis à l’Arrière Scène de saisir la nécessité des outils offerts aux professeurs à l’intérieur des guides pédagogiques. Un projet sur l’amour et les premiers sentiments amoureux a fait ressortir de vives émotions chez des élèves qui avaient été victimes d’abus sexuels. «En allant au théâtre, on veut susciter chez les jeunes des émotions, mais on ne choisit pas lesquelles», soutient Eveline Payette. Elle a voulu offrir cette fois-ci un dossier pédagogique plus étoffé afin qu’ils ne se retrouvent pas sans ressources une fois de plus.

Les institutions théâtrales sont de plus en plus nombreuses à offrir du matériel pédagogique pour préparer les jeunes à une gamme d’émotions jusque-là inexplorées en milieu scolaire. Selon Pierre Rousseau, une fois que le jeune est rendu dans la salle, s’il a tous les outils qu’il faut pour apprécier la représentation, il va s’intéresser à la pièce. «Ça ne sert à rien de forcer pour vendre des billets, c’est la pire chose à faire quand tu t’adresses à des adolescents. S’ils n’aiment pas ça, ils risquent de ne pas aimer ça pour toujours.»

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