«C’est bien mieux d’faire l’amOOOOUUUUUURRRRRRR». C’est le refrain accrocheur du vidéoclip de Pierre Lapointe, La sexualité. «Pénétrer autrui, le jour la nuit, sans cesse et sans répit». Ouch. On ne va pas chanter ça à Un air de famille en tout cas. Et la chanson continue ainsi sur une vibrante mélodie. Je me suis d’ailleurs prise à fredonner toute seule dans le métro «te faire crier comme les stars du X au cinémaaaaa».
Une chance qu’en 2013, on est assez ouvert pour jaser sexualité sans trop rougir. Mais il n’y a pas si longtemps, le bureau de censure des vues animées coupait les scènes trop osées dans les films. La nudité et même les allusions à l’amour hors des liens sacrés du mariage passaient allègrement sous le couperet pour garder intacte la morale des Québécois. La censure a été complètement abolie au Québec en 1967, il y a tout juste 46 ans. Pourtant, on monte encore sur nos grands chevaux lorsqu’il est question de sexe dans les différentes sphères de la culture.
Nos aïeux peuvent bien médire sur le dévergondage de la jeunesse. N’empêche, je préfère de loin voir une paire de boules au cinéma qu’un raccord mal fait entre deux scènes. Attention, je ne fais pas l’apologie des scènes XXX bâclées dans un film macho. Je laisse le libre choix à tous les artistes assez à l’aise pour se dénuder à la caméra, au théâtre et même à la télévision. Par contre, je mettrais une sourdine à bien des commentaires déplacés suite à ces expositions hors normes. Souvenez-vous quand Bordeline est sorti. Je me rappelle très bien d’une de mes amie outrée après la séance: «J’ai vu son minou!» Preuve qu’il y a encore des couacs qui résonnent quand on expose cette fameuse sexualité au grand jour.
Chez nos voisins du Sud, qui ont crié au scandale à la vue du sein de Janet au Superbowl de 2004, les chaînes câblées poussent le tabou assez loin pour être des pionniers du genre. Enweille un bout de peau par ci par là, les HBO de ce monde osent de plus en plus. Ce n’est pas dans Destinées qu’on va commencer à voir ça. Pourtant le Parents Television Council est encore présent pour sonner l’alarme de la télévision publique américaine. Presque tous les programmes télévisés sont surveillés et classés selon deux critères: l’âge du public cible et le contenu susceptible de choquer. Il en résulte une note, décernée par les diffuseurs eux-mêmes, permettant aux parents de contrôler ce que regardent leurs enfants. Peu importe si on s’entretue à la télévision, tant qu’on a du linge pour couvrir les parties osées. Belle ironie.
Abdellatif Kechiche a choisi d’intégrer une scène de sexe de six minutes entre les deux protagonistes – féminines − de son plus récent opus, La vie d’Adèle. En six minutes, il s’en passe des affaires. Allez partagez ce moment d’intimité dans une salle sombre de cinéma avec une cinquantaine de quidams. Presqu’aussi effrayant de tomber sur une scène de sexe à la tivi avec ses parents. Malgré sa palme d’or, certains périodiques ont plus parlé de cette scène que du film en général lors de sa présentation au festival de Cannes en mai dernier.
Le masculin n’est pas en reste. Une exposition d’hommes nus a fait un esclandre en France dans un musée parce qu’on voyait, tenez-vous bien, des pénis. Pourtant le prestigieux Louvre expose souvent − cœurs sensibles s’abstenir − des seins! On est constamment bombardé de bustes féminins. Cinéma, télé, alouette. Mais des pénis, hiiii pas encore prêts pour ça on dirait.
On jase, là. Quelle conclusion peut-on en tirer? Non, la société ne devient pas prude, parlez-en à feu Hannah Montana. C’est peut-être moi, mais j’ai parfois l’impression que cette société qui se targue d’être si ouverte se ferme comme une huître lorsqu’il est question de sexe. Ciblons les prudes et donnons-leur des caches-yeux, je prédis une diminution de tissus chez nos vedettes.
Marion Bérubé
Chef de pupitre Culture
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