À l’UQAM, ceux qui ont fait vivre le mouvement étudiant se battent maintenant pour obtenir quorum lors des assemblées générales. En attendant un soulèvement, ce n’est qu’un petit groupe de militants qui prend part au débat.
Octobre. Alors que la mi-session règle au quart de tour les horaires des étudiants uqamiens, les salles de classes où les assemblées générales (AG) ont lieu peinent à se remplir. Lorsqu’une assemblée est ouverte, c’est que le quorum est tout juste atteint. À l’UQAM, la vie étudiante avance au rythme des décisions prises par une poignée d’engagés et de militants, à l’image des changements sociaux qui, comme le rappelle le syndicaliste Gérald Larose, ont toujours été initiés par des minorités.
En septembre dernier, l’étudiant au baccalauréat en communication politique et société Étienne Cardin-Trudeau a fait part de ses inquiétudes dans les pages du journal Union Libre quant à la légitimité des résolutions prises lors de la première AG de l’Association des étudiants de science politique et droit (AFESPED). Tout au plus 60 personnes y ont pris part. «Tu ne peux pas dire que tu représentes l’AFESPED avec le faible pourcentage de gens qui se présente aux assemblées», tranche-t-il. Loin de vouloir jeter la faute sur les membres du comité exécutif, il estime que trop de raisons découragent les étudiants à participer aux décisions collectives qu’une association étudiante doit prendre.
Du côté des représentants étudiants, on considère que ces questions de légitimité n’ont pas lieu d’être. L’étudiant en droit Patrick Véronneau, impliqué depuis quatre ans auprès de l’Association facultaire des étudiants en arts (AFEA), estime qu’il est erroné d’attribuer une opinion à la majorité silencieuse. «Il faut faire une distinction entre légitimité de la prise de décision et représentativité, expose-t- il. On ne peut pas prêter une voix à ceux qui ne se sont pas présentés. La résolution est légitime et démocratique tant que les règles sont respectées.» Pour la déléguée aux affaires uqamiennes de l’Association étudiante du secteur des sciences (AESS) Émilie Boulay, il est nécessaire de se rassembler, même en si petit nombre, pour tenir tête à l’administration. «Pour l’instant, c’est le seul moyen de faire survivre les associations», déplore-t-elle.
Un faible pourcentage lors d’une AG ne la rend en aucun cas illégitime, croit le porte-parole de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSE), Justin Arcand. «Il faut que les associations puissent prendre des décisions», considère-t-il. Patrick Véronneau rappelle l’existence du quorum moral, où les membres déterminent en début d’AG si leur nombre rend la prise de position légitime. «Des associations ont déjà eu ce mode de fonctionnement, mais il y a eu quelques dérapages», indique- t-il. Gérald Larose ajoute que le quorum moral peut enrichir le débat des organisations, mais qu’il doit y avoir des règles de base. «On ne peut pas passer l’assemblée là-dessus, commente-t-il. Il appartient aux assemblées de décider si une grève votée par 1% des membres est acceptable, par exemple.» Patrick Véronneau souligne la nécessité de travailler sur la publication des résolutions, ce qui pourrait amener un effet d’entraînement au sein de la communauté. Un individu en désaccord avec une décision pourrait être davantage tenté de participer au débat.
L’étudiante en arts visuels Julie Émond considère qu’elle ne reçoit pas assez d’information en lien avec les décisions que prend son association. Elle s’étonne de la position qu’a réaffirmée l’AFEA, qui s’est prononcée «en faveur du démantèlement de la mairie, et donc, par extension, de l’État», sur sa page Facebook le 5 octobre dernier. «Il faudrait que je réfléchisse pour me positionner là-dessus, constate-t- elle. Je n’avais jamais entendu parler de cette résolution-là.» Émilie Roberge, également étudiante en arts visuels, ne sent pas le besoin de se présenter aux AG. Elle assume que le quorum de 43 personnes est facile à obtenir.
Lors de sa première assemblée générale uqamienne, Étienne Cardin-Trudeau a constaté l’importance des codes et procédures à suivre pour prendre part aux discussions, qui selon lui pourraient démobiliser les étudiants qui n’ont pas l’habitude des assemblées. D’après Patrick Véronneau, il revient à l’animateur de les faire respecter tout en encourageant les gens à participer. «Il doit les inciter à poser des questions, ce qui permet de casser ce moule qui semble rigide», objecte-t-il. L’étudiant en droit attribue le problème au caractère non-convivial des AG, qui se déroulent souvent entre deux cours, dans une salle de classe. Pour un étudiant, l’envie de se présenter peut manquer, pense-t-il.
Sans voix
L’absence de prise de résolutions par les membres pose un problème encore plus pressant pour Mélissa Ross, exécutante de l’Association facultaire des étudiants en langue et communication (AFELC). Les quatre AG prévues depuis la rentrée ont été reportées, ce qui oblige l’association à se baser sur ses positions passées pour s’exprimer sur des enjeux comme la vidéosurveillance. «Le simple fait de s’abstenir auprès des instances uqamiennes a un poids politique», insiste-t-elle. Pas d’issue pour les exécutants qui organisent les assemblées générales. S’ils ne peuvent s’attribuer le mérite de représenter la majorité des membres, ils restent pour l’instant les gardiens de la démocratie uqamienne. Qu’elle soit représentative ou non.
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