Changer la donne

Avec toute la cacophonie québécoise des dernières semaines, deux canadiens croupissent sans bruit dans une prison égyptienne. Tarek Loubani et John Greyson, respectivement médecin et cinéaste, paient encore les frais de leur escapade vers Gaza.

Il y a un mois, les deux ontariens ont mis les voiles Égypte pour se rendre éventuellement à Gaza. Tarek Loubani, un urgentologue de London, devait donner une formation à des médecins locaux.  John Greyson, cinéaste, le suivait pour tâter le terrain en vue de réaliser un documentaire. Ce qui devait être un voyage, non sans danger j’en conviens, s’est transformé en aller simple vers la prison. Leur détention  pourrait désormais s’étendre jusqu’à deux ans.

Il est temps de sortir de notre torpeur. Pendant que tout le monde étale son linge sale en public, on daigne à peine mentionner ce médecin et ce réalisateur emprisonnés injustement parce qu’ils étaient à la mauvaise place au mauvais moment. Où sont les manifestations, les pancartes et les appels à leur libération? Une pétition est disponible sur Internet, mais le silence perdure du côté des médias québécois. On les mentionne brièvement dans le tourbillon des nouvelles du jour. Des petits paragraphes dispersés par ci par là dans le méandre d’autres scandales.

La culture, c’est bien beau, ça occupe parfois nos soirées et ça nous permet de jaser de quelque chose à côté de la machine à café.  Mais quand une personne se languit dans un cachot parce que son but était de nous éclairer sur une situation hors de notre portée, c’est notre devoir de se mobiliser pour elle.

On en parle de sujets divers. En une semaine, nous sommes passés de la fameuse Charte, à la ligne bleue du métro, à l’UPAC…pour mentionner brièvement ces deux canadiens. C’est bien beau écouter Le choc des générations dans le confort de son salon, mais ce n’est pas que ça, la culture. C’est aussi politique. C’est aussi là pour dénoncer, déranger même.

Que Jafar Panahi, lauréat d’une caméra d’or au festival de Cannes, soit obligé de tourner un film sous le couvert de l’anonymat, ça parle. Le cinéaste iranien a été interdit de tourner dans son propre pays. Il a d’ailleurs été confiné à sa résidence lorsqu’il devait être juré au festival de Berlin en 2011. Internationalement reconnu, mais traité en criminel dans son propre pays.

On est chanceux de pouvoir tourner ce qu’on veut, quand on veut. On ne réalise parfois pas qu’on jouit  d’une liberté que les autres pays ne peuvent que rêver. Imaginez : emprisonner un réalisateur aux côtés d’un meurtrier? Ça ne semble pas réel. Pourtant, ça arrive encore de nos jours et on en parle à peine.

Qu’on le veuille ou non, le monde culturel est un poids de taille dans la balance politique. Quand un artiste se mobilise pour appuyer une cause, ça change la donne. Le contraire fonctionne tout aussi bien. L’art a souvent été un moyen d’exprimer une opinion.  Servons-nous en à bon escient pour critiquer ce qui mérite de l’être.

 

Marion Bérubé

Chef de section culture

culture.campus@uqam.ca

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