Empêtrée dans une saga médiatique et désirant revoir son appel d’offres pour l’ajuster aux exigences du ministère de l’Enseignement supérieur, l’UQAM a repoussé son urgent projet de mise à niveau du réseau de télécommunications.
Le 9 août dernier, l’UQAM annule son appel d’offres demandant exclusivement des produits du manufacturier Cisco pour la mise à niveau de son réseau de télécommunications. Peu de temps auparavant, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie (MERST) avait rencontré l’UQAM et suggéré la modification de l’appel d’offres pour laisser place à la concurrence. Alors que l’UQAM plaide un changement récent dans la Loi sur les contrats des organismes publics pour justifier sa décision, l’ancien membre du Conseil d’administration Samuel Ragot parle d’un malaise suite à l’intense couverture médiatique de Québécor.
Certains revendeurs informatiques, indignés de ne pas pouvoir soumissionner, ont remis en question l’intégrité de l’Université. «L’UQAM s’est retrouvée sur la défensive et s’est dit qu’il serait bon de repenser au projet, révèle Samuel Ragot, étudiant en sciences politiques. Mais l’appel d’offres devait de toute façon être retiré pour l’ajuster aux normes de la loi», ajoute l’étu- diant. La direction se retrouve donc à nouveau en réflexion et profite maintenant du retrait de l’appel d’offres pour réévaluer ses besoins.
La directrice du Service des communications de l’UQAM, Jenny Desrochers, reste vague à propos de la rencontre avec le Ministère. Elle assure que ce n’est pas une disposition particulière qui a mené à l’annulation de l’appel d’offres, mais une discussion avec les représentants du gouvernement. Coordonatrice aux communications du MERST, Linda Bergeron précise que le Ministère n’a pas obligé l’UQAM à retirer son appel d’offres, mais l’a avisée qu’il n’était pas convenable d’y nommer une compagnie. «On doit donner la chance à tous de soumissionner», avise-t-elle.
L’UQAM avait envisagé de sélectionner le manufacturier Cisco pour éviter notamment d’avoir à choisir son principal concurrent, la compagnie chinoise Huawei, d’après Christophe Villemer membre du Conseil d’administration. Soupçonnée d’être en lien avec le gouvernement chinois, Huawei a été interdite aux ÉÉtats-Unis et sur les réseaux de certains services publics canadiens pour des raisons de sécurité, poursuit-il.
L’UQAM fait affaire avec la compagnie Cisco depuis l’instauration de son réseau. Le professeur Omar Cherkaoui, qui a auparavant travaillé pour cette compagnie, estime qu’il est prudent de rester fidèle au même manufacturier au fil des ans. «Il peut y avoir des problèmes de compatibilité entre les composantes si les infrastructures ne sont pas du même fabriquant», explique-t-il. D’après le spécialiste, la compagnie Cisco a le monopole sur le marché des télécommunications. Samuel Ragot ajoute que la compagnie prend en charge 100 % des contrats de télécommunications dans le domaine de l’éducation au Québec, une autre raison pour laquelle l’UQAM l’aurait préférée à d’autres.
Urgence réseau
Le projet de mise à niveau sera réétudié par l’UQAM avant qu’elle ne présente un nouvel appel d’offres. «La meilleure leçon à tirer, c’est qu’il est nécessaire de faire une analyse plus approfondie du projet, considère Christophe Villemer. Nous aurions voulu avoir le temps d’étudier plus profondément le dossier avant de s’engager pour cinq ans dans ce projet aux coûts gigantesques», pense-t-il. À ce sujet, il ajoute que Lise Bissonnette, présidente du Conseil d’administration, prépare un document où l’on trouvera une réflexion sur la gouvernance universitaire et la prise de décisions par le Conseil. Confiant envers le nouveau vice-recteur aux systèmes d’information, Louis Martin, Christophe Villemer rappelle que le dossier sera réétudié. Selon lui, il serait possible de fractionner le projet pour en réduire les coûts, qui étaient d’abord estimés à 13 M $. Samuel Ragot suggère l’étude approfondie du dossier par le Comité des utilisateurs de l’informatique et des télécommunications (CUI). En décembre 2012, le comité avait souligné l’urgence de renouveler les composantes désuètes du réseau, pour des raisons de sécurité informatique. Magda Fusaro, présidente du CUI, confirme que le comité avait émis une recommandation pour aller de l’avant avec le projet de remise à niveau, mais qu’il n’aurait pas pu en approfondir l’étude. «Nous avons un mandat consultatif, nous ne sommes pas tous des experts. Nous faisons état des solutions possibles et des orientations que peut prendre un projet.» Magda Fusaro assure que si les membres le souhaitent et que le Service de l’informa- tique et des télécommunications a besoin de nouvelles recommandations, le comité se réunira à nouveau.
Constatant que la durée de vie de dix ans du réseau était écoulée, l’UQAM a mené une étude au cours de l’année 2012 pour évaluer ses besoins. La compagnie Cisco s’est trouvée parmi les préférences de l’UQAM pour le projet de renouvelement du réseau. Ces choix ont ensuite été confirmés par la firme KPMG, au moyen d’une étude de marché et des besoins de l’Université. L’UQAM utilisait des équipements Cisco depuis les années 1990.
Crédit photo : Gabriel Germain
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