J’habite le quartier Rosemont et il me prend parfois le sentiment d’avoir hâte de recevoir mon bac brun de compostage. Je prends mon mal en patience et je me calme la conscience écologique en me disant que là-haut, dans le monde des grands maestros de l’économie, se trame des échecs bien pires que mon humble coin de ruelle où le bac brun n’est pas.
Par exemple, le méga projet Desertec, qui a vu le jour avec la naissance de la fondation du même nom, en 2009, implique des économistes, politiciens et scientifiques d’une vingtaine de pays européens. Le principe est d’exploiter l’énergie solaire et éolienne du désert du Sahara pour alimenter une bonne partie des besoins en électricité de l’Europe. Les 15% étaient visés aux débuts du projet d’initiative allemande. Par des câbles sous-marins ainsi que par le détroit de Gibraltar – situé entre le Maroc et l’Espagne – l’énergie serait transportée de l’Arabie Saoudite et du Maroc vers les pays du nord, si l’on en croit les visionnaires. L’idée est simple : 1.5 M de pétrole peut être soutiré à chaque km2 du désert, alors pourquoi pas l’énergie renouvelable?
Le projet s’inscrit dans une lignée évolutive, où l’on tentera de faire grimper la rentabilité de l’énergie produite à 25% de ce dont l’Europe aurait besoin. Si plusieurs grands investisseurs sont mis à contribution, les défenseurs du projet se targuent de vouloir stimuler la mise en place d’emplois locaux à long terme pour les pays producteurs.
De telles initiatives titanesques pleuvent par dizaines. C’est le cas de Transgreen, lancé par la France ou même Apollo, par le Japon. La viabilité de tels projets est remise en doute par les écologistes, on ne s’en étonne pas d’ailleurs, surtout quand on tourne le regard vers les écueils restants de Kyoto. Le problème – et je posais la question il y a quelques années à la professeure Maya Jegen, qui a grandement étudié la question de l’exploitation éolienne par l’Union européenne – est que plusieurs questions restent en suspens alors que l’argent est investi quasi au rythme d’affluence des pétrolières.
Un défendeur de Desertec en France et en Algérie, Le docteur Hadroug Nasser admettait sur le blog de la Desertec Mediterannee les limites environnementales des infrastructures en jeu. Le projet permettrait indéniablement la diminution d’émission de gaz carbonique. Toutefois, une grande quantité de vapeur d’eau serait produite par la technologie envisagée, celle des centrales solaires thermodynamiques. La vapeur d’eau entre dans la composition des gaz à effet de serre. Si les investisseurs sont prêts à investir autant dans un projet dont les lignes directives relèvent pour l’heure encore de la science-fiction, il tient du mirage de penser que des pays comme le Maroc ou le Mali seront les premiers à s’emplir les poches.
C’est bien là l’éternel gouffre. Si le pétrole est voué à disparaître, tant et aussi longtemps que le monopole de la production, la plus écologico-granolo-responsable soit-elle, sera entre les mains des dirigeants étatiques, ceux-ci s’empliront les poches. Et face à la sécheresse du Sahel, ils resteront de glace. Face à la désertification, toujours se poursuivra perpétuellement le même dessein voué à l’échec. Plutôt mourir tout de suite, si ce n’est que d’attendre lamentablement que l’erreur humaine nous achève tous un par un.
Le Danemark a été le premier pays à ériger un parc éolien en pleine mer, en 1991. Aujourd’hui leader mondial en matière d’énergie renouvelable, il a joué ses cartes sur le principe de décentralisation. À l’opposé, en Californie, des éoliennes gisent çà et là, leurs immenses pales inertes et surplombées par le soleil, improductives.
Émilie Bergeron
Chef de pupitre Société
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