Voter stratégiquement, disait-il. Renie tes convictions, disait-il. Dans une drôle de vidéo, le candidat péquiste dans Rosemont et le journaliste Jean-François Lisée donne à la population québécoise un cours de politique 101. Pendant près de trois minutes, il demande aux électeurs de voter stratégiquement le 4 septembre prochain, pour se libérer une fois pour toutes des libéraux. Il nous implore de ne pas diviser le vote, de ne pas «se faire plaisir».
Le monologue de M. Lisée m’a laissé pantois. Son débat sur le vote stratégique n’a pas sa place, surtout après le printemps pour le moins pas tranquille que le Québec vient de vivre.
Les Québécois se soucient de cette élection, l’engouement est définitivement palpable depuis le déclenchement des élections. M. Lisée, pourquoi vouloir éteindre cette flamme?
Voter, c’est l’un des droits les plus fondamentaux sur Terre. En Égypte, ils étaient si nombreux à se manifester qu’il fallait attendre en file pendant des heures. Voter, c’est exprimer ses convictions. On ne le fait pas pour se faire plaisir, on le fait pour s’entendre sur un avenir meilleur.
Lors du conflit étudiant, les étudiants pro-hausse n’avaient pas beaucoup d’arguments convaincants. L’un d’eux était que la démocratie s’exerce une fois tous les quatre ans, le jour des élections. On a bien pu rire d’Arielle Grenier en février dernier, mais aujourd’hui ses mots prennent tout leur sens.
On nous demande notre opinion seulement une fois au quatre ans et le Parti québécois (PQ) – qui ne s’est pas gêné pour partager la vidéo du candidat-vedette sur les réseaux sociaux – nous demande de mentir, volontairement.
L’objectif du PQ est donc simple: engager le Québec dans un cycle malsain. «Votez pour nous, parce qu’on veut se libérer de Jean Charest!» Et dans 4 ans? Une fois les promesses non tenues et la dette du Québec toujours aussi pesante, je suis prêt à parier que les libéraux ou les caquistes se feront un plaisir fou de vanter le vote stratégique et ses bienfaits. Nous serons alors engagés dans un match de tennis sans fin, où la balle ne fait que se renvoyer d’un bord à l’autre. En gros, le vote stratégique, «c’est la mort de la démocratie», écrivait Gabriel Nadeau-Dubois, ex-porte-parole de la CLASSE, sur Facebook. Il a bien raison.
C’est bien beau tout ça, mais un problème persiste: pour qui voter? Pour le moins pire? Même si je crois dur comme fer que voter relève d’une obligation morale pour quiconque, ce constat me fend le cœur.
Cette campagne électorale est décevante. Sans profondeur, sans substance, sans couleur ni saveur. Je déteste l’opportunisme des chefs, surtout le «ménage» de François Legault.
Depuis août dernier, j’ai l’impression de suivre une cinquième édition bâclée de Star Académie. Dans ce reboot au concept, oh, si original, six candidats se battent corps et âme pour la première place: un contrat de 4 ans pour diriger le Québec. Tous les coups sont permis: mensonges, promesses irréalisables, hypocrisie pure et simple, etc.
Chaque jour, les médias nous donnent la béquetée, en ana- lysant et en nous disant quoi penser des derniers développements politiques. Vu ce jeu, lire la plateforme politique des partis et se faire une idée par nous-mêmes serait la preuve de notre tempérament de perdant.
La vraie question dans tout ce débat est donc la suivante: à une époque où aucun des candidats ne représentent une véritable alternative, quelle est la véritable destinée pour le Québec? «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme», disait Antoine Lavoisier.
Rien de neuf sous le ciel bleu québécois. Aucune raison d’espérer dans cette parodie de démocratie.
Ewan Sauves
Chef de pupitre Société
societe.campus@uqam.com
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