Culturellement vôtre

«Bon an, mal an, la culture bouge et se transforme sous la plume des chroniqueurs», écrivait Florence Sara G. Ferraris, il y a quelques mois à peine, dans cette même chronique. Si la culture évolue sous la mine des journalistes, si elle se réinvente à travers leurs tribunes, alors j’ai mal à ma culture.

J’ai mal à ma culture, étouffée par la mort de quatre hebdomadaires culturels gratuits – les Voir Saguenay et Mauricie, le Hour et le Mirror. Vitrines exceptionnelles, ces hebdos déroulaient le tapis rouge pour que les groupes émergents y fassent leur premiers pas. En région, où les artistes ne peuvent pas compter sur une industrie culturelle aussi étendue qu’à Montréal, ces pertes sont particulièrement regrettables.

J’ai mal à ma culture, qui doit se serrer la ceinture, qui doit contrer les coups de sabres d’un gouvernement conservateur à la vision étroite. J’ai mal à ces films d’ici en manque de financement, à ces subventions perdues, à ces projets morts dans l’oeuf. J’ai mal à ma CinéRobothèque, j’ai mal à Radio-Canada. J’ai mal à mon patrimoine, qui s’efface et s’égare derrière ces douloureuses – et nombreuses! – coupures. J’ai mal à ces histoires qui ne nous seront plus racontées, à ces images qui ne seront plus projetées. L’âme d’une oeuvre existe dans l’oeil du spectateur, non pas sur une tablette poussiéreuse, oubliée et sans vie.

J’ai mal à ma culture, évacuée jusqu’à tout récemment de la campagne électorale. Les Mouvement pour les arts et les lettres, Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et autres organismes culturels ont bien essayé de mettre leur grain de sel dans les discussions, à coup de lettres d’opinion et de communiqués de presse, mais ils n’en ont tiré que des maigres promesses. Le CALQ s’est néanmoins réjoui du vent d’espoir qu’apportaient certains engagements. Le Parti québécois a d’ailleurs promis d’augmenter les budgets du CALQ à hauteur de 13 M$, en plus d’accorder 8 M$ à la SODEC. Le Parti libéral a quant à lui prévu 50 M$ pour le secteur de la culture. La CAQ, la CAQ… Bof. On vient qu’on n’sait plus.

Bref, j’ai mal à ma culture.

***

Pourtant je sais que ma culture est forte. Ma culture résiste. Je sais qu’elle restera debout, droite et fière. Ma culture n’a pas plié, au printemps dernier, devant les matraques et les décisions douteuses d’un gouvernement intransigeant. Et en cette rentrée houleuse, je sais que ma culture ne pliera pas devant les dérives de la loi et l’ordre. Parce que «le désordre est le délice de l’imagination», dirait l’auteur Paul Claudel.

J’ai mal à ma culture, mais je sais qu’elle est grande, qu’elle est capable de s’émouvoir, d’espérer et de rêver. Je sais qu’elle est unique, d’une puissance infrangible. Ma culture se réinventera à travers les embûches qui la blessent. Et ma culture se transformera à travers les mots de ceux qui la coucheront sur le papier.

Merci Florence. Je suis fière de prendre le relais de la section culture du Montréal Campus.

Bonne rentrée!

Audrey Desrochers
Chef de pupitre Culture
culture.campus@uqam.ca

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