Prolongement des études en temps de crise économique
Inquiets de leur avenir et découragés par le sombre paysage de l’économie, des étudiants choisissent de poursuivre leurs études plutôt que de se risquer sur le marché du travail. Les nuits blanches à étudier semblent alors moins pénibles que la recherche d’emploi. L’UQAM pourrait gagner en popularité grâce au climat morose de l’économie.
Exaspéré par la difficulté de se trouver un emploi au terme de sa maîtrise en science politique à l’UQAM, Philippe Langlois a pris l’ultime décision de se lancer au doctorat. Il n’est pas seul. Le marasme économique pousse de nombreux étudiants à rester sur les bancs d’école. Les universités québécoises s’attendent à une hausse des demandes d’inscription pour l’an prochain.
Philippe, qui a rédigé son mémoire sur les crises économiques, est conscient de la conjoncture défavorable et trouve plus sécuritaire le chemin de la thèse que celui des entrevues de sélection. «J’aurais préféré travailler entre mes deux diplômes, mais après quelques mois à chercher du travail, j’ai décidé de m’inscrire plus vite que prévu.»
Marie-Hélène Legault, chargée de cours au Département des sciences économiques, confirme que les analystes du marché de l’emploi sont familiers avec le phénomène de rétention des étudiants pendant les récessions. D’autant plus que l’insécurité du marché du travail affecte particulièrement les jeunes: «Le taux chômage des 18-24 ans a considérablement grimpé lors des crises précédentes, en 1980 et au début des années 1990.»
Devant la difficulté de trouver un emploi, la poursuite des études se présente comme une solution prometteuse. «Une personne au chômage qui poursuit sa formation risque d’obtenir un emploi plus intéressant au sortir de la crise», confirme-t-elle. Les entreprises profitent aussi des temps durs de l’économie pour envoyer leurs employés se perfectionner par des programmes d’études universitaires, comme des certificats ou des programmes courts, ce qui gonfle les demandes d’admission.
Le chercheur principal du Bureau de la recherche institutionnelle de l’UQAM, Gilles Piedalue, révèle que les demandes d’inscription et le taux de diplomation avaient augmenté lors des récessions précédentes. «Dans un contexte de crise, les étudiants ont davantage tendance à passer d’un cycle d’études à l’autre et à persévérer dans leur programme.»
La mouvance s’observerait chez l’ensemble de la population universitaire, pour tous les cycles, à temps plein comme à temps partiel. Selon l’analyste, les récessions précédentes ont engendré une hausse de popularité des facultés de sciences humaines. Les jeunes profiteraient du contexte difficile pour ajouter à leur curriculum vitae des diplômes ne menant pas directement à un emploi. La hausse est généralement moins importante dans les programmes de gestion, droit et génie puisque le marché de l’emploi est plus affecté dans ces domaines. «On engage moins dans les domaines professionnels pendant les crises.»
Prévisions faussées?
Toutefois, la récession actuelle s’accompagne de phénomènes sociaux qui pourraient atténuer la hausse des inscriptions dans les universités du Québec. Selon Marie-Hélène Legault, les départs massifs à la retraite dus au vieillissement de la population augmenteront les chances des jeunes de se trouver un emploi. «L’effet du cycle économique sur la poursuite des études n’est pas instantané», prévient de son côté Gilles Piedalue. Selon les informations obtenues auprès de l’Université McGill, les inscriptions y ont augmenté de 4% cette année. L’an dernier, la hausse était de 3%. Les effets de la crise semblent donc se faire attendre.
Dans le cas de l’UQAM, Gilles Piedalue conclut que les perturbations actuelles compliquent les prévisions et pourraient réduire l’effet mesuré dans les dernières décennies. «Si on anticipait une croissance à cause de la crise, d’autres facteurs comme des conflits de travail viennent inverser la trajectoire.» La grève des professeurs et étudiants pourrait diriger de futurs candidats vers d’autres universités.
Philippe Langlois craint que le ralentissement n’apporte aussi des compressions au régime de prêts et bourses. «Si la crise dure, et je pense que ce sera le cas, ça risque d’être difficile de se trouver du financement au doctorat. L’argent va manquer.»
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