Transformation extrême au CA

Illustration Jo-Annie Larue

Entre démissions soudaines et nominations inhabituelles, le conseil d’administration de l’UQAM est en plein chambardement. Certains en profitent pour remettre en question sa façon même de fonctionner.

 

 

Cinq des dix-huit membres du conseil d’administration (CA) de l’UQAM ont claqué la porte au cours de l’été. Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) en a profité pour injecter du sang neuf dans l’instance suprême de l’Université par l’attribution de quatre des cinq sièges laissés vacants.

Les nouveaux venus sont la présidente de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Isabelle Hudon, un comptable de la firme Samson Bélair/Deloitte & Touche, Marcel J. Daoust, le président du conseil d’administration d’Investissement Québec, Robert Cloutier, et le vice-recteur à la vie universitaire de l’UQAM, Robert Proulx. À l’exception de M. Proulx, qui représente la direction, les administrateurs entrants sont tous issus du milieu socioéconomique.

Ils remplacent l’ancien représentant des étudiants, Patrick Véronneau, l’ex-président du CA et ex-représentant des cégeps, Alain L’Allier, et deux membres du milieu des affaires, Pierre Lampron et Jacques Girard.
Pierre Lampron et Alain L’Allier sont respectivement partis en raison de conflits d’horaire et de départ à l’étranger. La démission de Jacques Girard est plus controversée. Patrick Véronneau voit «un lien direct» entre ce départ et le dépôt, en juin, du deuxième rapport du Vérificateur général du Québec sur le fiasco immobilier de l’UQAM. Le document reproche au comité de vérification de l’Université, présidé par Jacques Girard, d’avoir manqué à son rôle. Le syndicat des enseignants avait réclamé le départ de Jaques Girard à la suite de ces conclusions.

Pour sa part, Patrick Véronneau a laissé son poste, car il était de moins en moins à l’aise avec son rôle. «Au CA, je voulais souligner une opposition étudiante et représenter les associations facultaires. C’était cependant très difficile, on me faisait comprendre que je n’avais pas la bonne attitude, que je n’avais pas de mandat. La table était assez hostile.» Il a démissionné juste avant de passer devant le comité d’éthique du CA, où il devait répondre à des accusations concernant des propos incitant à la violence lors de la grève à la session d’hiver.

Nominations inhabituelles

La méthode de sélection des nouveaux administrateurs est hors du commun. Normalement, le CA choisit lui-même ses membres, puis soumet sa sélection au MELS, qui l’approuve. Cette fois-ci, c’est l’inverse qui a eu lieu. Une procédure inhabituelle qui inquiète Patrick Véronneau. «Ces gens, dont la vision est très économique, ont été nommés par la ministre de l’Éducation. Seront-ils plus collés sur ses positions? Probablement.»

Un collaborateur de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), Jean-Marie Toulouse, voit cependant la décision du MELS d’un bon œil. En juin, il a cosigné une lettre dans le quotidien Le Devoir où il affirme que les déboires financiers de l’UQAM démontrent l’importance de revoir la composition du CA. Il propose que le recteur soit nommé par le conseil plutôt que par la communauté universitaire et qu’une «majorité forte de membres» provienne de l’extérieur de l’Université. «Un administrateur indépendant n’a pas d’intérêts à représenter, explique Jean-Marie Toulouse en entrevue avec Montréal Campus. S’il est là, c’est pour s’assurer que la mission de l’Université est respectée.»

Une idée que rejette catégoriquement Patrick Véronneau. «Les conditions pédagogiques devraient toujours passer avant les conditions économiques. Or, les membres issus du milieu socioéconomique ne sont pas sur le terrain et ils n’ont pas d’assises à l’interne pour bien saisir la mission éducative de l’UQAM.»

L’ex-représentant des étudiants au CA, Simon Tremblay Pepin, s’oppose également aux propositions de Jean-Marie Toulouse. «C’est extrêmement troublant. D’un côté, on a le rapport du Vérificateur général qui blâme le comité de vérification, composé de membres du milieu socioéconomique, et de l’autre, une personne qui arrive à la conclusion qu’on doit avoir plus de membres du milieu socioéconomique, sans que la ministre de l’Éducation voie de contradiction.» Il ajoute que l’indépendance des membres externes n’est pas assurée. «Est-ce que les gens du milieu socioéconomique ne représentent vraiment aucun intérêt?»

Les autres démissionnaires n’ont pas répondu aux courriels et appels de Montréal Campus.

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