Claude Corbo : recteur de l’UQAM

En janvier dernier, le recteur Claude Corbo s’est perché sur le clocher de l’Université pour la deuxième fois de sa vie. Son règne précédent remontait à 1986-1996. Montréal Campus a fouillé dans ses archives pour découvrir qu’à l’UQAM plus ça change, plus c’est pareil.

«La porte s’ouvre, un petit homme bien mis, svelte, portant une barbe et un complet trois-pièces, fait son entrée sur scène avec une prestance quelque peu théâtrale. En apercevant les appareils photo et le magnétophone, il s’écrie: « Vous me permettez que je refasse mon maquillage? » L’atmosphère se détend. Le vice-recteur à l’enseignement et à la recherche de l’Université s’absente quelques minutes puis reparaît, impeccable, pipe à la main, pour se plier volontiers à la séance de photos et à l’entrevue.» Voilà ce que rapportait en mars 1986 un journaliste de Montréal Campus à propos d’une rencontre avec Claude Corbo, alors candidat à la course au rectorat de l’UQAM. Quelques mois plus tard, la communauté uquamienne le portait à la tête de l’Université, puis une deuxième fois en 1991.
Cet hiver, Claude Corbo a repris les rênes de l’institution et manœuvré tant bien que mal le bateau à la dérive qu’elle est devenue. Plusieurs décisions prises par le recteur cette année étaient basées sur son expérience passée.
Élu pour la première fois en juin 1986, Claude Corbo a pu profiter de la bonne gestion de son prédécesseur, Claude Pichette, qui laissait derrière lui un budget équilibré, alors que l’ensemble des universités québécoises enregistrait un déficit accumulé de 80 millions de dollars à l’époque (il est de 400 millions aujourd’hui). Les institutions dans le rouge réclamaient que le gouvernement éponge leurs dettes, ce à quoi Claude Corbo s’opposait. «Ce serait absurde de payer aujourd’hui pour les sacrifices que nous nous sommes imposés, déclarait le recteur en septembre 1986. Nous avons amplement fait notre part pour mériter un meilleur traitement.»
La plus grande concession du gouvernement obtenue par le recteur est l’accord d’un statut particulier pour l’UQAM au sein du réseau de l’Université du Québec. L’entente, survenue en 1988, accordait à l’établissement un meilleur financement et davantage de pouvoirs, dont la possibilité de signer des contrats avec d’autres établissements et de décerner ses propres diplômes.
Malgré ce gain majeur, le premier règne de Claude Corbo n’a pas été sans anicroche. Le recteur a connu plusieurs grèves étudiantes, pour lesquelles il a fait appel aux tribunaux en 1986 et 1988, une grève des chargés de cours, qui s’est soldée avec l’adoption d’une loi spéciale du gouvernement, et des négociations serrées avec les syndicats de l’Université.
Selon un article de Montréal Campus publié en mars 1994, le recteur demeurait respecté dans les couloirs de l’UQAM malgré les nombreux conflits. «Entre deux réunions, [Claude Corbo] se pavane à l’occasion à la cafétéria et à la Brasserie [ancien bar de l’UQAM] et se retrouve avec une queue de billard à la main. « L’automne dernier, des étudiants m’ont invité à participer à une partie de billard. Je leur ai demandé s’ils n’avaient pas d’étude à faire, ils m’ont répondu qu’ils prenaient une pause. » Lorsque les étudiants lui ont retourné la question, Claude Corbo s’est fait prendre à son propre jeu: « J’ai dû répondre que moi aussi, je prenais une pause ».»

La grogne a commencé à se faire sentir au cours de son deuxième mandat de cinq ans. Son institution devant composer avec des compressions budgétaires du gouvernement provincial, le recteur a dû à son tour effectuer de nombreuses coupures, pour un total de près de quatre millions de dollars sur deux ans.
En octobre 1994, Claude Corbo s’est attiré les foudres des syndicats lors de son discours annuel. Il expliquait alors comment l’UQAM comptait s’y prendre pour pallier le manque de financement. «Il faut regarder du côté des masses salariales, affirmait le recteur. On ne peut pas s’endetter pour payer des salaires et des dépenses.»
Sa popularité était aussi en déclin auprès des étudiants. Après s’être longtemps abstenu de donner son opinion sur les frais de scolarité, il s’est prononcé en faveur du dégel à quelques reprises vers la fin de son deuxième mandat. «Si vous me demandez si je suis pour la gratuité scolaire, je vous dis non, déclarait le recteur en novembre 1995. Socialement, au Québec, on ne peut pas se la payer sans sacrifier des gens qui sont encore bien plus mal pris que les étudiants universitaires.» Il se disait plutôt ouvert à une augmentation des frais de scolarité «douce et progressive», au grand dam des associations étudiantes.
Le 7 janvier 1996, après avoir obtenu l’appui de 52% de la communauté uqamienne pour l’obtention d’un troisième mandat, Claude Corbo démissionne, quatre mois avant la fin de son deuxième quinquennat. Le soutien ne lui semblait pas suffisant.

Douze ans plus tard
Les conflits et les compressions budgétaires vécus par l’Université au cours des deux premiers mandats de Claude Corbo ont permis à ce dernier d’acquérir une expérience utile. Le recteur a su se baser sur son passé pour gérer la grève étudiante de cet hiver et la crise financière de l’UQAM. Certaines de ses positions sont demeurées les mêmes. L’automne dernier, il se disait toujours en faveur du dégel des frais de scolarité.
Récemment questionné par Montréal Campus sur les différences entre le travail de recteur d’aujourd’hui et celui d’il y a 12 ans, Claude Corbo répond qu’elles sont nombreuses. «Les attentes à l’endroit des universités sont beaucoup plus grandes qu’elles ne pouvaient l’être il y a dix ans, tant des étudiants que de la société. La compétition entre les universités est plus forte qu’elle ne l’était. En plus de ça, le développement du courriel et de la téléphonie cellulaire font qu’on est beaucoup plus sollicités qu’auparavant. Heureusement, très peu de gens connaissent mon numéro!» Le recteur devra endurer la pression de la technologie jusqu’en janvier 2013, lorsque son troisième mandat prendra fin.
Autre changement: le temps où Claude Corbo jouait au billard avec les étudiants semble être révolu. «Je n’aime pas ça me promener avec des gardiens, affirme le recteur, mais la sécurité a jugé que c’était plus prudent, parce qu’il y a peut-être des personnes qui aiment débattre des enjeux universitaires autrement qu’avec le discours. J’ai moins de liberté de déplacement que j’en avais.»

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