L’écologie, l’angoisse du futur

L’écoanxiété n’est pas reconnue comme un trouble de santé mentale. Pourtant, ce problème affecte un nombre croissant de Québécois(es).

Chloé Bourque, étudiante de 20 ans à l’UQAM, se soucie du climat et s’inquiète pour son futur. Les températures chaudes de l’hiver sont un facteur de stress pour elle. « Au jour de l’An, il n’y avait pas de neige. C’est la première fois que je voyais ça », relate-t-elle.

Même constat pour Valérie Allard, 43 ans, qui redoute un « printemps éternel au lieu d’un hiver ». Pour les deux femmes, ce sont surtout les catastrophes naturelles découlant des changements climatiques qui sont anxiogènes. Par exemple, les feux de forêt de l’été dernier ont été des moments plus difficiles à supporter pour elles.

Encore à ce jour, l’écoanxiété n’est pas mentionnée dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et des troubles psychiatriques (DSM-5). Pourtant, plus de la moitié des Québécois(e)s estiment en ressentir, selon le Baromètre de l’action climatique 2022 réalisé par l’Université Laval.

Isabelle Béliveau, directrice d’Éco-motion, un organisme visant entre autres à aider les gens à surmonter leur écoanxiété, rappelle que c’est un phénomène vécu différemment par chacun(e). « C’est un état complexe et directement lié à une situation alarmante. En ce sens, l’écoanxiété serait une réponse normale du corps et de l’esprit à une situation anormale », explique-t-elle.

La travailleuse sociale Marie-Pascale Deegan remarque qu’il est encore difficile de qualifier clairement ce qu’est l’écoanxiété. Impliquée dans la recherche sur le phénomène, elle se demande parfois si « écoanxiété » est le bon terme. « Il n’y a pas assez de définitions consensuelles de ce que c’est. »

Réactions contradictoires

Inês Lopes, membre de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME), est l’auteure du livre Les visages de l’écoanxiété. Dans cet essai, elle sépare ce concept en quatre quadrants : l’action, l’acceptation, l’évitement et l’acharnement. Il s’agit d’après elle des différentes positions qu’un individu peut adopter par rapport à ses « écoémotions ».

L’évitement et l’acharnement seraient des comportements à éviter. L’évitement est le fait de ne pas vouloir entendre parler des enjeux environnementaux – et potentiellement d’y contribuer. L’acharnement, quant à lui, rendrait les personnes paralysées par l’immensité du problème. 

Se situer dans les quadrants de l’action et de l’acceptation aiderait à l’inverse à diminuer l’écoanxiété. Grâce à l’action, il est possible d’aider à faire changer la situation actuelle, selon Mme Lopes.

Pour Valérie Allard, une solution pour réduire son écoanxiété est justement de poser des gestes concrets. Alors que la surconsommation l’inquiète, elle tente de réparer ses biens plutôt que d’en acquérir des nouveaux et elle achète usagé plutôt que neuf. Lorsqu’elle se rend dans de grands centres commerciaux, elle est révoltée par la consommation constante de la population.

Médecins engagé(e)s 

L’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME) réunit 220 membres qui plaident pour une meilleure protection de l’environnement au Canada. Sa coordonnatrice, Patricia Clermont, pense que les gens qui sont moins intéressé(e)s par le climat vont être amené(e)s à se questionner s’ils et elles voient des spécialistes de la santé s’engager pour la cause.

L’AQME est une branche de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, qui a quadruplé ses effectifs au cours des deux dernières années. Cet accroissement n’étonne pas la chercheuse Marie-Pascale Deegan.

« Tu peux prendre n’importe quelle problématique de santé et il y a de fortes chances qu’il y ait des liens étroits entre la qualité de l’environnement et cette problématique. »

– Marie-Pascale Deegan

Mme Clermont est convaincue que, malgré le contexte actuel, il n’est pas question de s’empêcher ou de se culpabiliser d’avoir des enfants. « On a besoin d’enfants qui vont continuer à changer les choses comme on essaye de les changer. On ne peut pas tout prendre sur ses épaules à soi. »

Le ressenti est le même pour Valérie Allard. La mère de deux enfants est fière de sa progéniture et ne regrette pas son choix. Mais lorsque son écoanxiété la submerge, elle pense aux futures générations et se demande : « Qu’est-ce que je leur dirais en ce moment pour nourrir leur espoir? »

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