Enfin Libre : une organisation qui vend du rêve

« Enfin Libre a changé ma vie, […] avant j’étais malheureux, […] j’ai fait 22 000 € en seulement un mois, […] aujourd’hui je vais vous montrer comment gagner 5000 € par mois de la maison », répète Isaac Chouinard dans une conférence préenregistrée pour Enfin Libre. Il est l’un des rares coachs québécois faisant la promotion de l’organisation sur Internet, notamment sur YouTube.

Voici le coût que vous devez débourser pour devenir « enfin libre » financièrement : 7580 $. L’organisation Enfin Libre vous garantit la recette pour bâtir votre empire économique sur Internet. Conférences préenregistrées, abonnement à une page Facebook privée et coachs affables : l’allure envoûtante de l’entreprise cache astucieusement les réelles complexités pour atteindre la liberté financière.

Le programme, qui propose à ses membres son expertise en commerce électronique par le biais de formations payantes sur le dropshipping, s’est implanté au Québec depuis plus de deux ans. Le groupe Facebook privé compte d’ailleurs près de 7200 membres. Selon l’organisation, un(e) adepte sur deux serait Canadien(ne).

Enfin Libre est situé au Canada, en France, en Estonie et en Thaïlande

« Nous abordons des problématiques précises : la création technique d’une boutique en ligne, le type de produits que l’on peut vendre, comment faire venir du trafic sur son site », explique le cofondateur d’Enfin Libre, Saad Ben, dans un article publicitaire qu’Enfin Libre s’est payé sur Forbes France.

200 € en 14 mois, mais « satisfait »

Une trentaine de personnes ayant suivi la formation ont été contactées lors de cette enquête, mais seulement deux ont voulu répondre à nos questions.

Olivier Roy, qui a rejoint Enfin Libre en octobre 2022, se dit plus que satisfait de ce qu’il a appris jusqu’à présent : « [La formation] surpasse toutes les attentes que j’aurais pu avoir. Saad et Adam ont créé un programme incroyablement complet sur ce qu’est le commerce en ligne ». Pourtant, jusqu’à maintenant, M. Roy a seulement fait 200 € avec sa boutique en ligne.

« Ils sont très compétents, sérieux et courtois », ajoute Yirmeyah Yhwh, qui dit avoir déboursé 3000 € pour avoir accès aux capsules préenregistrées signées Enfin Libre. « Ce n’est pas cher pour une formation de qualité ». M. Yhwh a cependant mis sur pause sa formation, n’ayant pas les fonds disponibles pour la poursuivre.

« Enfin Libre, c’est eux »

Nos démarches nous ont menées jusque chez Isaac Chouinard, dans une humble maison de Saint-Léonard-d’Aston, dans le Centre-du-Québec. Malgré sa surprise de nous voir à sa porte, il a pris le temps de répondre à nos questions. Il explique notamment qu’il fait seulement entre «15, 20 et 25 % » du chiffre d’affaires qu’il prétend générer grâce au dropshipping, une précision qu’il omet de mentionner dans ses publicités. « Il y a la partie chiffre d’affaires et la partie qui reste dans tes poches », mentionne M. Chouinard. 

Même si son lien avec l’organisation est évident, le coach québécois a rapidement voulu mettre les choses au clair : « Enfin Libre, c’est eux. Je sais que tout le monde me voit et pense que ça m’appartient, mais non, il n’y a rien qui m’appartient.[…] Moi j’ai ma boutique […]  Enfin Libre c’est vraiment le programme de formation ».

Enfin Libre propose une formation complète payante en dropshipping. Sophie Barnabé, enseignante et coordonnatrice de programme Gestion de commerces au Collège de Maisonneuve, illustre le phénomène ainsi : « Le dropshipping peut être vu comme un magasin en ligne. Au fond, c’est une fenêtre qui sert d’intermédiaire entre l’acheteur et le distributeur. Le dropshipper annonce des produits, et le consommateur l’achète via sa plateforme ». Si pour le commun des mortels le terme dropshipping est nébuleux, le principe est pourtant bien connu. « Beaucoup de géants de l’industrie utilisent ce type de commerce. Pensons à AliExpress ou à Amazon », ajoute-elle.

Bien que le dropshipping soit légal, « il est une importante source d’arnaques et recèle des boutiques qui fraudent plus ou moins consciemment la législation en matière de droit de rétractation, de droits de douane ou de publicité mensongère », explique le journaliste Damien Leloup au Monde dans son article « Devenir riche sur internet sans rien faire: les mirages du dropshipping » paru en 2019. 

Un parcours laborieux vers la liberté

En expérimentant les processus d’inscriptions, le constat est clair : le chemin à suivre pour accéder à la formation en dropshipping d’Enfin Libre est beaucoup plus tumultueux qu’annoncé. 

Avant d’accéder au formulaire d’inscription, plus d’une heure est à prévoir pour regarder une conférence préenregistrée obligatoire d’Isaac Chouinard, où il parle de son parcours. Il y fait l’éloge d’Enfin Libre. 

Au bout de 30 minutes, Isaac informe l’aspirant(e) qu’il ou elle gagne un cadeau d’une valeur de 600 $, soit une rencontre privée d’une heure avec un recruteur ou une recruteuse en ligne. Cette récompense est évidemment offerte à n’importe quelle personne qui souhaite s’inscrire.

C’est Yassine, un coach belge de 28 ans, qui nous a reçu sur Zoom deux jours plus tard. D’emblée, le discours du recruteur se distingue des publicités et de la promotion entourant Enfin Libre : « C’est important de savoir que c’est du travail. Ce n’est pas une recette miracle pour gagner de l’argent du jour au lendemain. […] Ça prend plusieurs mois pour mettre ta business en place », signale Yassine. 

« Je vais être honnête avec toi, pas tout le monde obtient des résultats », ajoute le Belge. 

Pourtant, les multiples publicités et relances de l’organisation envoyées par courriel insinuent le contraire. 

« TOUT LE MONDE PEUT RÉUSSIR », peut-on lire dans un courriel promotionnel. Photo : Félix Rompré

Conférence de groupe en direct

Les rencontres privées ne sont pas les seuls moyens de recrutement pour l’organisation. Il existe également des rencontres en groupe. Nous avons enregistré une de ces rencontres lors de laquelle l’insistance des deux cofondateurs d’Enfin libre se fait bien sentir.

Adam Sam et Saad Ben en direct devant quelques centaines de spectateurs et spectatrices.

« Il n’y a aucune question qui restera sans réponse», précise Saad Ben au début de la rencontre. Une section à droite de l’écran permet aux auditeurs et auditrices de communiquer en temps réel. Pourtant, on ne répondra à aucune de nos questions au cours du direct.

Courriel reçu avant d’assister à la rencontre en direct. Photo : Félix Rompré

« Le logiciel limite les places à 500… », a prétendu Saad Ben dans un message précédant la rencontre. Nous avons toutefois été étonnés de constater que près de 800 personnes étaient présentes pendant la rencontre. Rien ne prouve cependant que les 800 utilisateurs et utilisatrices étaient réel(le)s : « Les robots peuvent être partout. C’est encore plus facile sur les [plateformes de diffusion en direct], parce que s’y inscrire, c’est très très simple. Il y a très peu d’étapes et de vérifications », indique Jonathan Bonneau, enseignant en Médias, mobilité et surveillance à l’UQAM. 

Il a d’ailleurs été impossible d’identifier quiconque lors de la rencontre puisque chaque « utilisateur » ou « utilisatrice » avait seulement un prénom en guise d’identifiant numérique et qu’il était impossible d’échanger avec les participant(e)s.

Faux et impuni

Dans l’une des nombreuses publicités qu’Isaac Chouinard a réalisées pour Enfin Libre, le coach québécois mentionne faire « 10 000 $ CAD en une semaine », montrant à l’appui des données sur Shopify. Jonathan Bonneau explique qu’il est cependant « aussi facile de modifier des données sur la plateforme de commerce électronique que de faire générer du texte par des robots de conversation en direct ».

Notre équipe s’est d’ailleurs penchée sur les lois associées à la diffusion de faux contenus. Si la publication d’informations mensongères a déjà été interdite et punie au Canada, il en est tout autre aujourd’hui.

Un individu ou une organisation est libre de publier du contenu, qu’il soit véridique ou non, et ce sur n’importe quelle plateforme. C’est à l’internaute de prouver que ce contenu a entraîné un dommage. Il doit également s’appuyer sur des motifs juridiques tels que la diffamation, la fraude ou encore la violation du droit d’auteur.

Cette législation, on la doit à l’affaire Zündel. En 1992, la Cour suprême du Canada a établi que l’interdiction de diffuser des contenus mensongers contrevient à la liberté d’expression, déclarant anticonstitutionnel l’article 181 du Code criminel qui interdisait, jusque-là, la publication de fausses nouvelles.

Le Code n’a pas été mis à niveau depuis, transformant les réseaux sociaux en un Far West libre et propice à la propagation de faux contenus.

Commentaires

2 réponses à “Enfin Libre : une organisation qui vend du rêve”

  1. Sait choses la doit être public y’a des gens qu’il perd tout leur épargne je sa fait que saitait de larnac quand je vois des pub qu’il son trop vrai j’émets mais a faire des recherche sa peut être banale pour des gen mais les détails dit tout je me suis mi à regarder les photo de Isaac avec sa fille sur le sofa brun et a droit de la photo du tape sur le coin de la fenêtre sa pas l’aire de quelqu’un qu’il fait 30000 euro par mois

    PS si vous aver besoins de quelqu’un pour recherche texte moi

  2. Avatar de pierre Gosselin
    pierre Gosselin

    Bonjour, je suis une des victime de cette formation. Après 8 mois de travail acharné, de dépenses énormes et d’avoir cru a la réussite, je me retrouve aujourd’hui avec une perte de 12,000$, des milliers d’heures de perdues et un rêve devenu cauchemar.

    J’ai essayé de me faire rembourser la formation avec leur garantie commercial mais, il y a toujoirs des choses que j’ai mal fais, mal préparé etc etc… En résumé, leur plans est déjà établis… Ne pas rembourser!!

    Merci de continuer a publier vos textes qui j’espère, empêchera les Canadiens ( particulièrement les Québécois) de perdent leur temps et argent..

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