BookTok, la voix du lectorat

Des milliers d’adeptes de lecture échangent et partagent leurs recommandations sur TikTok. Ils forment ainsi une communauté prolifique surnommée BookTok : un espace où littérature et réseaux sociaux font bon ménage, mais qui ne profite qu’à une poignée d’auteur(e)s – principalement anglophones.

Depuis le début de la pandémie, des utilisateurs et des utilisatrices provenant d’un peu partout dans le monde ont créé un véritable club de lecture. BookTok a ainsi aidé à générer de la popularité autour de livres qui étaient passés sous le radar au moment de leur sortie. Le chant d’Achille de Madeline Miller en est un bon exemple. Le livre paru en 2012 s’est hissé à la troisième place des ventes de fiction en mars 2021 après avoir été recommandé sur BookTok, selon le New York Times.

Bien que la romance soit le genre littéraire de prédilection des booktokers, le phénomène ne se limite pas à un seul style d’écriture. Il n’est donc pas rare de voir des œuvres acclamées par la critique comme Le chardonneret de Donna Tartt, lauréate d’un prix Pulitzer, présentées aux côtés de fictions telles que Jamais plus de Colleen Hoover, une auteure de romance propulsée par Booktok.

« Ce qui est beau, c’est qu’avant, les éditeurs avaient plus le pouvoir de dire : “Hey, c’est ce livre-là que vous allez aimer.” Maintenant, c’est la voix des lecteurs qui est entendue », souligne l’auteure et créatrice de contenu sur BookTok Jessica David.

Un petit catalogue

Stéphanie Gélinas, étudiante en sociologie à l’UQAM et cofondatrice du club de lecture de l’université, déplore le manque de diversité dans les suggestions de cette communauté virtuelle. Au bout d’un certain moment, « c’est tout le temps les mêmes livres qui reviennent », remarque-t-elle. Bien que la lectrice pense que « BookTok peut vraiment être intéressant pour parler des livres qu’on a aimés », elle préfère demander des recommandations à son entourage, à des libraires et à des bibliothécaires. « J’ai eu de meilleures recommandations via la bibliothèque de l’UQAM que sur BookTok », indique-t-elle.

D’après Audrey Martel, libraire et copropriétaire de la librairie L’Exèdre, les tables en librairie aménagées pour présenter seulement des livres recommandés sur BookTok ne sont pas nécessairement une bonne idée. « Je comprends l’intérêt de les regrouper, mais après, j’ai l’impression qu’on annule l’effet découverte », croit celle qui s’occupe également des réseaux sociaux de sa boutique. 

Selon ses observations, les lecteurs et lectrices qui vont en librairie pour se procurer des livres qu’ils ont vus sur TikTok se dirigent uniquement vers cette table-là.

Audrey Martel est d’avis que les passionné(e)s de lecture ne devraient pas seulement prendre de l’inspiration sur BookTok.

« On s’éloigne un peu du réflexe qu’on a en librairie de bouquiner, de demander des conseils, de se laisser porter par la découverte. »

Audrey Martel

Et au Québec?

L’auteure Jessica David a découvert BookTok en 2020 en tant que lectrice. En voyant l’ampleur du mouvement, elle a décidé de commencer elle-même à produire du contenu. Au départ, elle partageait simplement ses coups de cœur littéraires dans des courtes vidéos, mais son projet a pris une toute autre ampleur lorsqu’elle a commencé à partager l’écriture de son propre roman. Finalement, un an après le lancement de son compte, ce qu’elle voulait créer s’est réellement concrétisé. 

« Quand je me suis lancée sur TikTok, j’étais zéro dans le monde du livre. Mon objectif, c’était vraiment de créer un engouement autour du livre que j’allais publier pour que quand le lancement allait arriver, on fasse des ventes », raconte-t-elle.

Le pari a été relevé, puisque son premier livre, La note brisée, est resté dans le top 50 des livres les plus vendus dans les librairies Renaud-Bray pendant 22 semaines. Après seulement un mois, il est devenu un best-seller au Québec, avec la vente de plus de 3000 exemplaires durant cette période. D’après Jessica David, ce succès, dont peu d’auteur(e)s québécois(e)s peuvent se vanter, est en grande partie dû à son activité sur BookTok et à l’engouement de sa communauté pour son travail.

En parallèle de l’écriture, l’auteure explique que son principal but reste de communiquer avec son public plus facilement. Pour ce faire, elle a lancé la page de Booktok Québec sur Facebook, qui rassemble près de 17 000 membres qui se partagent depuis le 25 juin 2020 autant de recommandations que de livres à éviter. Rentrer son ventre et sourire de Laurence Beaudoin-Masse et Tennessee d’Audrée Mc Nicoll sont des exemples de romans qui ont fait parler d’eux sur cette communauté.

Cependant, malgré une augmentation de la représentation québécoise sur TikTok, les livres qu’on y retrouve restent majoritairement écrits en anglais, et ce même si les booktokers sont québécois(e)s. « Il y a tellement plus de contenu des États-Unis que c’est un peu surreprésenté », constate Stéphanie Gélinas.

Selon elle, il est d’ailleurs difficile pour le Québec de rivaliser avec la scène littéraire anglophone, qui a une ampleur bien plus grande autant dans les librairies que sur les réseaux sociaux.

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