Les femmes autochtones délaissées par le gouvernement

Alors que la campagne électorale tire à sa fin, les autochtones se désolent du désintérêt que portent les politiciens à leurs revendications, peu préoccupés par les meurtres et les disparitions qui touchent les femmes de leur communauté.

«Politiquement, ce n’est pas super populaire de parler des enjeux autochtones. Si ça ne fait pas gagner des votes, on n’en parle pas», explique la coordonnatrice justice et sécurité publique de Femmes Autochtones du Québec, Alana Boileau.

«On aborde les enjeux autochtones dans des programmes qu’on retrouve sur internet, qui font 200 pages et que personne ne lit», fait pour sa part remarquer le politologue et professeur à l’UQAR, Jean Bernatchez. Selon lui, le dossier des autochtones n’a absolument pas été mis en valeur durant la campagne électorale qui a pourtant été très longue. Il explique que les autochtones ont tout à fait raison de penser qu’on parle peu d’eux.

Selon Alana Boileau, le gouvernement refuse de collaborer avec les peuples autochtones, car cela leur demanderait une trop grande implication. «L’indifférence du gouvernement naît du fait qu’il serait obligé de reconnaître leur responsabilité envers les peuples autochtones, note-t-elle. Cela oblige donc de remanier des systèmes au complet pour que la discrimination au racisme colonialiste et sexiste cesse.»

Les communautés autochtones déplorent elles-mêmes que les Premières Nations aient occupé peu de place durant la période électorale. «Les partis politiques sont engagés dans une campagne depuis environ deux mois, mais nous, on est engagés dans une campagne de militantisme depuis environ deux décennies », observe le chef national de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard. «Les politiques doivent changer et être plus appropriées à la réalité de nos peuples», fait-il savoir.

Alors que tous les partis ont des propositions pour les autochtones, ceux-ci ont tous des mobiles différents. «Ceux qui en parlent le plus sont les néo-démocrates, qui se démarquent sur cette question avec un programme complet et substantiel», remarque l’analyste politique Jean Bernatchez. Il est à noter que parmi les 338 candidats du NPD, 22 sont associés aux communautés autochtones.

«Tous les partis font référence à l’importance du dossier des femmes autochtones. Chacun d’entre eux souhaiterait qu’il y ait une commission d’enquête, sauf le Parti conservateur qui est le parti qui en parle le moins», rapporte le politologue.

Ghislain Picard constate que la question des autochtones a été effleurée, mais que les politiciens n’entrent jamais dans les détails. «Cela nous a amenés à nous mobiliser pour informer les gens au fait que les partis doivent être transparents sur leur politique par rapport aux communautés autochtones», poursuit-il. Selon lui, la question des autochtones n’est pas reconnue comme étant une valeur ajoutée à la campagne, ce qui pourrait peut-être expliquer la gêne ou le silence des partis politiques par rapport à cela.

Une situation délétère

Depuis 15 ans, les femmes autochtones crient haut et fort qu’elles sont en danger. Fugues, enlèvements, violence familiale, suicides, incarcérations croissantes, meurtres racistes ciblés, voire même traite des femmes, sont des réalités auxquelles elles font face. L’aveuglement du gouvernement aggrave la situation déjà fragile des Premières Nations. Une Commission d’enquête est réclamée par ces peuples, sans succès.

Au Québec les peuples autochtones représentent 2% de la population et au niveau national, 4%. Selon un rapport publié par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en 2014, 1181 femmes ont été portées disparues ou assassinées depuis 30 ans. Proportionnellement, cela représente 30 000 femmes canadiennes. Cependant, ces chiffres ne représentent que la pointe de l’iceberg, car les données policières prennent seulement en compte les femmes retrouvées dans une réserve ou qui auraient les traits d’une autochtone, selon Alana Boileau.

Photo : Yaokcool (Flickr)

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