L’antiféminisme démystifié

Diane Lamoureux et Francis Dupuis-Déri ont la verve vive. Lors d’une rencontre dans le cadre de la publication de l’essai politique qu’ils ont co-dirigé, Les Antiféministes ; analyse d’un discours réactionnaire, le duo s’est totalement impliqué dans la discussion pour bien faire comprendre la polyvalence et la présence de cette pensée à contre-courant.

Bien comprendre l’antiféminisme, c’est également connaître ses adversaires et savoir ce qu’ils disent. La sociologue et professeure à l’Université Laval, Diane Lamoureux, précise que bien anticiper les coups et les prévenir est toujours très pertinent. «Il est crucial de montrer que la considération inéquitable de la femme par rapport à l’homme n’est pas visible seulement dans les politiques de l’ancien gouvernement Harper ou d’autres politiques de droites, mais parfois dans des choses plus subtiles», explique-t-elle. La démarche de documentation du sujet est également le produit «d’une demande du milieu des femmes car elles considèrent que c’est un problème», ajoute le professeur de science politique à l’UQAM, Francis Dupuis-Déri. Le duo est unanime: l’antiféminisme est un discours à combattre.

Que ce soit de façon militante ou intellectuelle, les deux auteurs appuient le mouvement d’émancipation des femmes. Interrogée sur sa vision de la lutte féministe, Mme Lamoureux a proposé une bataille sur deux plateformes. «L’idée d’un mouvement autonome des femmes a toujours sa pertinence», affirme-t-elle. Pour la sociologue, il y a des possibilités de faire des alliances avec des groupes qui ne partagent pas l’ensemble de la longue analyse sur l’égalité de l’homme et de la femme mais avec lesquels on peut faire un bout de chemin. M. Dupuis-Déri, quant à lui, considère sa position d’homme comme l’amenant à un rôle d’auxiliaire ou de complice.

Il est parfois ardu de dénoncer les actes antiféministes, surtout sur des plateformes très libres de contraintes comme l’humour. L’important, selon la sociologue, est de comprendre que les idées conditionnent les comportements, qu’elles ont une matérialité. «Banaliser le fait de faire une blague sexiste, ça normalise le sexisme. Il faut polémiquer contre ces discours-là, mais pas nécessairement les interdire», souligne Diane Lamoureux.. Francis Dupuis-Déri ajoute que tout est une question de contexte. Un des huit articles du recueil traite de la liberté d’expression et de l’antiféminisme en désindividualisant le problème et en dressant un portrait de l’industrie de l’humour complètement dominée par les hommes. Il faut donc s’adapter à la sphère dans laquelle un discours est placé.

Il est possible d’émettre une critique sur le caractère très spécifique du livre. Celui-ci traite du mouvement d’opposition au féminisme dans la société québécoise athée et urbaine. «On traite de l’antiféminisme de souche, on est très mal à l’aise de faire une étude sur le mouvement d’opposition à l’émancipation des femmes autochtones sur les réserves ou sur les communautés migrantes haïtiennes ou musulmanes, qui est comme la tarte à la crème du patriarcat aujourd’hui, énonce Francis Dupuis-Déri. Si des femmes de ces milieux-là veulent le faire ça serait super.» Celui-ci a l’impression d’aller porter un regard extérieur sur leur communauté et de participer à un stigmate fort et une caricature puissante.

Les auteurs rappellent avec conviction que rien n’est acquis et s’opposent au post-féminisme qu’ils placent du côté de la tendance de la mode, en rappelant que le problème est de croire banalement que tout est réglé.

 

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