Au service de sa majesté

Séduit par le romantisme de la royauté et ses ancrages historiques, un bastion de monarchistes québécois tente de démanteler les préjugés qui ternissent la Couronne.

L’allure féérique de la royauté anglaise charme des Québécois qui se sont regroupés pour militer en faveur de la Reine. Dans la Belle Province, la Ligue monarchiste du Canada compte près de 500 membres, pour un total de 5000 au pays. Sans prôner un retour de la royauté comme classe dirigeante, l’organisme œuvre à briser les fausses croyances qui règnent d’un océan à l’autre. Chez les descendants de sujets français, la pertinence de la Couronne britannique est souvent remise en question. Selon le porte-parole francophone et coordonnateur régional de la Ligue monarchiste du Canada, Étienne Boisvert, le premier préjugé à enrayer réside dans l’aspect supposément antidémocratique de la Couronne. «La démocratie, de la façon dont on la vit en Occident, est née au Royaume-Uni, et le Canada est un des pays les plus démocratiques au monde», soutient-il.

Dans la monarchie constitutionnelle, la royauté a une dimension apolitique, et elle agit comme stabilisateur du pou- voir exécutif. «C’est une institution non partisane et rassembleuse», assure-t-il. Étienne Boisvert ajoute que, contrairement à la croyance, les contribuables n’envoient pas d’argent pour financer la reine en Angleterre. Ils défraient par contre les coûts de ses visites au pays. Les Canadiens dépensent annuellement 75 millions pour la Couronne, soit «une fraction du budget fédéral, qui se chiffre à plus de 275 milliards», selon le porte-parole de la Ligue. Le contenu de l’enveloppe est surtout alloué à l’entretien des résidences des représentants de la royauté, ainsi qu’au système de reconnaissance de l’Ordre du Canada, qui octroie des distinctions honorifiques.

La monarchie est la cible de critiques de la part de Québécois qui ressentent de par leur histoire une certaine inadéquation par rap- port à la Couronne anglaise. «La monarchie ici, c’est l’expression d’un pouvoir étranger, c’est l’expression archaïque, ou caricaturale, d’une ancienne domination qui pesait sur les Canadiens français», dénote le sociologue Mathieu Bock-Côté. Le professeur de science politique à l’UQAM Marc Chevrier remarque que les Québécois sont moins attachés aux rituels monarchiques qu’ailleurs au Canada. «Le Québec a déjà été très monarchiste, mais passé les années 1960, l’élite québécoise s’est lassée du cérémonial», note- t-il. Il admet qu’un petit fond monarchiste réside au Québec, et particulièrement dans la capitale. «De jeunes Québécois se laissent séduire par cette féérie monarchiste, sans doute parce que les élé-ments pour qu’on ait une vision plus républicaine à la démocratie ne sont pas réunis», souligne Marc Chevrier.

Mathieu Bock-Côté remet en doute la pertinence politique du mouvement monarchiste québécois dont les membres seraient surtout charmés par le faste d’une autre époque. Selon lui, le mouvement n’a aucun écho social au-delà de ses propres membres. «Voilà des groupes qui ont besoin de sentir une identité politique particulière, qui ne trouvent pas satisfaction dans les grands courants dominants, et qui veulent témoigner de leur originalité esthétique et politique davantage que de témoigner d’un choix politique profond», juge-t-il. Ce commentaire, Étienne Boisvert le reçoit posément. «Ce n’est pour moi pas une critique, c’est une réalité», déclare- t-il. Selon lui, soutenir la monarchie n’est pas un enjeu politique. «Avoir une institution qui est capable de transcender la chose politique, qui est capable de rallier les Canadiens, ou du moins de servir de figure neutre, je pense que c’est l’intérêt premier de la monarchie», explique-t-il.

 

Au royaume de l’image

Selon Mathieu Bock-Côté, la monarchie se renouvelle par une peopolisation de son institution. Le caractère people des membres de la royauté dénature sa mission première. «Une partie des têtes couronnées se réinvente dans le star-système planétaire. Ce qui paradoxalement devrait être le symbole de la droiture, de la tradition de l’ordre, se désubstantialise au même moment», note- t-il. Selon Étienne Boisvert, il s’agit d’un danger dans une certaine mesure. «C’est un passage obligé, mais ça attire l’attention des médias sur les causes chères aux membres de la famille royale, comme ses actions philanthropiques, ou la cause environnementaliste que défend énormément le Prince Charles», remarque- t-il. Le porte-parole ajoute qu’il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau alors que dans les années 1950, l’équivalent de cet engouement prenait place dans les médias.

Étienne Boisvert explique l’attirance des Québécois pour la Couronne en mettant l’accent sur l’aspect affectif de la royauté. «Il y a quelque chose de véritablement émotif, car la monarchie a un visage humain. C’est différent du Parlement, qui est beaucoup plus abstrait», illustre-t-il. À ses yeux, la monarchie est fascinante pour de nombreuses raisons. «Les Québécois sont attachés à la pérennité historique de l’institution et aussi à un certain élément romantique qui s’en dégage», soutient Étienne Boisvert. «Il conclut que si les Québécois ne sont pas historiquement liés à la Couronne anglaise, l’intérêt émotif qu’ils témoignent à cette institution demeure semblable à celui de leurs confrères canadiens.

Crédit photo : Facebook : Ligue monarchiste du Canada

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