Tous les films devraient être critiqués de manière juste et équitable. Ça peut sembler être une évidence; pourtant ce n’est pas toujours le cas.
Au Québec, les critiques ont un certain biais positif envers les œuvres d’ici – et ce n’est pas seulement pour les faire valoir. Michel Coulombe, chroniqueur cinéma de longue date à Radio-Canada, explique cette loi non écrite par la taille de notre industrie cinématographique.
Selon lui, le fait que « les journalistes qui font les entrevues soient les mêmes qui font les critiques » les force à être plus indulgent(e)s envers les films québécois. Ce n’est toutefois pas le cas lorsque ce sont des films américains ou étrangers qui passent sous leur loupe. La contiguïté qu’a le peuple québécois avec les célébrités de chez nous renforce également cette « proximité du marché », comme l’appelle M. Coulombe.
Il donne l’exemple de Xavier Dolan, qui a fait preuve d’une « proximité extrême » avec des journalistes qui l’ont encadré au début de sa carrière. Impossible de nier la franche qualité de l’œuvre de Xavier Dolan, mais ce fort lien apporte tout de même un aspect « impraticable et très discutable » au travail journalistique. « Ils avaient perdu toute distance critique », selon Michel Coulombe. Il raconte une récente rencontre avec Kim Thúy, auteure du livre Ru, adapté au grand écran en novembre dernier. Le journaliste admet qu’il n’aurait pas pu autant discuter avec elle s’il avait « détruit Ru » dans une critique réalisée auparavant.
Lors de ma propre critique de Ru, publiée dans le Montréal Campus, j’avoue m’être demandé à maintes reprises : « Est-ce que je peux être aussi dur avec le film? » J’ai opté pour une approche plus négative, mais également plus sincère. Pour continuer à se faire inviter aux premières médiatiques et aux entrevues avec les artisan(e)s du milieu, il faudrait donc s’efforcer de présenter sous une belle lumière les productions québécoises, peu importe leur qualité.
Nous avons la chance d’avoir une industrie cinématographique subventionnée et pleine de talent. La force culturelle de la province est indéniable. Toutefois, si tous les films québécois se noient dans une mare de trois à quatre étoiles, impossible de discerner la qualité des films. En se fiant à la critique, du moins. Peut-être – et je théorise – que les bons (parfois excellents) films d’ici gagneraient à être hélés comme de francs succès qui méritent davantage d’être vus que les moins bons.
Si tout est décrété comme excellent, rien ne l’est réellement. Ce problème peut être en partie attribué à la culture de la notation, si répandue dans le monde de la critique. Il est impossible de comprendre toute la profondeur d’une critique en se basant uniquement sur les cinq petites étoiles en fin de texte. Il faudrait donc que les lecteurs et lectrices ainsi que les compagnies de distribution portent une plus grande attention aux mots. Une tâche qui peut être ardue.
Bien sûr, la critique est avant tout une prise de position. Il est normal que les critiques y mettent leur grain de sel, puisqu’ils et elles sont capables d’exprimer et de justifier pourquoi un film est ben bon ou ben mauvais.
Michel Coulombe indique également qu’en plus de leur biais québécois, les critiques ont leurs domaines d’expertise et leur propre sensibilité. « Une femme peut être plus sensible envers un film réalisé par une femme », illustre-t-il. Cette réalité de la critique est autant vraie ici qu’ailleurs.
Y a-t-il un espoir pour les jeunes critiques qui ne veulent pas sacrifier leur intégrité? Selon Michel Coulombe, il suffit de « chercher à être vrai et honnête, et ne pas instrumentaliser sa voix ».
Ça peut paraître plus facile à dire qu’à faire, mais il suffit de se rappeler que, même si un film n’arrive pas à la hauteur des attentes, le travail créatif derrière chaque œuvre mérite tout le respect.
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