« Qui d’autre aurait pris la relève? »

Même si leurs cœurs vacillent quant à leurs aspirations professionnelles, plusieurs jeunes issu(e)s du milieu agricole choisissent le retour à la terre familiale. Le Montréal Campus présente deux agricultrices qui ont décidé de reprendre le flambeau. 

Bien qu’elle ait longtemps flirté avec l’idée d’être vétérinaire, c’est l’appel de la terre qui a ultimement conquis Justine Bouchard. Fille d’agriculteur et d’agricultrice, elle décide en 2020 de réaliser une formation collégiale en gestion agricole à Saint-Hyacinthe. Aujourd’hui, la jeune femme de 20 ans travaille à temps plein à la ferme laitière de ses parents, à Saint-Léonard-d’Aston, dans le Centre-du-Québec. 

« Je ne me verrais pas faire autre chose. »

Justine Bouchard, agricultrice

C’est par le rachat d’actions que Justine deviendra, « au bon moment », copropriétaire de la ferme laitière de ses parents, avec son frère. Son plan : racheter 30 % des parts de l’entreprise familiale d’ici quelques années. « J’aurais eu de la peine que le projet de mes parents n’ait pas de suite. Si ce n’était pas moi ni mon frère, qui d’autre aurait pris la relève? », se questionne-t-elle.

Au Québec, les transferts intergénérationnels d’entreprises agricoles sont de moins en moins fréquents.

Des obstacles pour la relève

L’explosion du coût des terres est un frein majeur au démarrage et au transfert d’entreprises agricoles, selon Julie Bissonnette, présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec. 

Une acre de terre agricole valait 943 $ en 1992. Ce nombre a bondi jusqu’à 9089 $ en 2022, une augmentation de 447 % en tenant compte de l’inflation. 

Pour Justine Bouchard, une part du problème réside chez les cédant(e)s, qui gagneraient à être plus flexibles. « Beaucoup de jeunes ont de l’intérêt. Mais il y a aussi du travail à faire par les cédants [afin qu’ils acceptent] de laisser leur entreprise à la relève », affirme-elle. 

Peu importe à qui le ou la propriétaire sortant(e) transfère son entreprise agricole, il ou elle doit être prêt(e) à mettre beaucoup d’argent sur la table, ce qui n’est pas très motivant, ajoute Julie Bissonnette. À son avis, il faut miser sur un incitatif fiscal pour les cédant(e)s qui vendent leur entreprise à un(e) jeune de la relève afin de rendre la transaction plus avantageuse.  

« Avant, je ne voulais rien savoir de prendre la relève de la ferme [d’élevage de moutons] », raconte Marie-Hélène Labelle, une femme de 22 ans qui a eu le déclic juste après la pandémie.  

Concilier deux mondes

Depuis, Marie-Hélène zigzague entre la ferme, à Labelle dans les Hautes-Laurentides, et l’UQAM, à deux heures de là, où elle termine son baccalauréat en psychologie. « Je reviens toutes les fins de semaine à la ferme et je m’arrange toujours pour avoir trois à quatre jours d’école par semaine », explique-t-elle. 

À l’image de ses parents, qui occupent chacun(e) un emploi à temps plein en dehors de la ferme, Marie-Hélène ne planifie pas faire une croix sur ses aspirations professionnelles en psychologie ni sur son amour de l’agriculture. D’ailleurs, elle compte se pencher sur la santé mentale des agriculteurs dans son essai doctoral. 

Selon le Portrait de la relève agricole au Québec 2021, 44 % des jeunes occupaient un emploi en dehors de leur entreprise agricole et 72 % de leur revenu annuel était généré par cet emploi à l’extérieur : des proportions en hausse par rapport aux années précédentes. « Beaucoup de jeunes n’ont pas le choix de travailler à l’extérieur pour pouvoir réinvestir cet argent dans leur entreprise », souligne Julie Bissonnette.

Un choix non conventionnel

Selon Justine Bouchard, ce qui est le plus difficile en agriculture, c’est l’horaire. « Nous avons deux traites à faire par jour. Comme nous n’avons pas de robot, il faut être là le matin et le soir », explique-t-elle. 

Pourtant, pour Justine, ce mode de vie s’accompagne d’une grande flexibilité sur le plan des horaires et de l’indépendance qu’elle ne pourrait avoir avec un emploi traditionnel. « Même si je me lève de bonne heure tous les matins, sept jours sur sept, 365 jours par année, même si les vacances et les soupers de famille se font rares, au bout du compte, les familles ont de la nourriture sur leur table grâce à notre métier », affirme-t-elle fièrement.

Commentaires

Une réponse à “« Qui d’autre aurait pris la relève? »”

  1. Avatar de Gabrielle
    Gabrielle

    Félicitations ! C’est inspirant et concret!

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