Tous les goûts sont dans la nature

Hiver 2008, je vais au cinéma avec mes amies. Petite soirée tranquille de prime abord, sauf que je suis l’initiatrice de l’évènement. Cette fois-ci, c’est différent. Après maints arguments, j’ai enfin réussi à sélectionner un film méconnu à leurs yeux et dont la salle n’est pas remplie à ras bord de pré-pubères en rut. J’avais hâte de voir une oeuvre bien cotée plutôt qu’un blockbuster.

Les lumières s’ouvrent, la représentation est terminée. J’essuie une petite larme qui a tracé son chemin le long de ma joue. Je me tourne vers mes compatriotes, satisfaite que le film soit à la hauteur de mes attentes. Je me suis heurtée à trois regards torves. Autant j’avais adoré ces deux heures, autant elles avaient abhorré ce moment. Toutes les trois. J’étais bien petite dans mes culottes.

Depuis ce fameux vendredi soir, je suis désormais reconnue au sein de mon groupe d’amies comme «celle qui a de drôles de goûts en cinéma.» Ironie du sort, j’occupe présentement un poste qui allie les mots «chef» et «culture» dans une même phrase. Pas de nuance pour mes compères. Six ans plus tard, je demeure la marginale qui a adoré le film ennuyant.

J’ai médité sur cette question. Longtemps, j’ai méprisé ceux qui adoraient les blockbusters à gros budget. «Ah ouin, tu trippes sur Transformers…» Mais j’ai eu droit à ce regard, moi aussi. Je croyais – à tort– qu’un film encensé par les critiques entrait immédiatement dans la catégorie chef d’oeuvre oscarisable. Les experts se sont prononcés! Quiconque ne respectait pas cette opinion entrait nécessairement dans le petit peuple. J’étais hipster avant mon temps, disons.

J’avais tort. J’ai déjà été déçue par un de ces quatre étoiles tant plébiscité. C’est à peine si je ne changeais pas de salle pour aller voir les films que je déplorais. Au moins là-bas, ça avait l’air de brasser. Et j’ai songé à mes amies qui ne font plus confiance à mes choix. À bien y repenser, on a des vues différentes, c’est aussi simple que ça. Tous les goûts sont dans la nature, comme ils disaient.

Le cinéma, c’est parfois comme la vegemite, on aime ou on déteste. Pas de demi-mesure. Je ne me sens plus acculée au coin du mur lorsque mon opinion diffère du chemin tracé. Même quand mes proches me rétorquent «on le sait, toi et tes goûts bizarres…» Eh oui, j’accepte ma différence. Assumons-nous, nom de Dieu. Qui décide quel film est meilleur qu’un autre? Les critiques donnent un indicatif, mais ne sont pas les maîtres suprêmes. Nous décidons de nos propres palmarès. C’est ça la beauté du septième art. Ça crée des débats. Au diable si on est seul au lit à verser toutes les larmes de son corps après Titanic. Tant que ça nous transporte. Le cinéma, ce n’est pas juste aligner les minutes à manger du pop-corn, c’est aussi analyser des heures durant la toupie d’Inception. Autour d’une bière entre amis, tiens.

Sur ce, je vais réécouter ce vieux classique d’un vendredi soir d’automne, sans mes amies cette fois-ci. J’ai jeté l’éponge. La prochaine fois, on va louer un film de danse, c’est toujours gagnant.

Marion Bérubé
Chef de pupitre Culture
culture.campus@uqam.ca

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *