Tête de turc

Le comité exécutif du Syndicat des chargés de cours de l’UQAM est au garde-à-vous. Trois membres disent être constamment dans la ligne de tir après avoir été accusés d’une opération de maraudage syndical.

Trois membres du Syndicat des chargées et chargés de cours de l’UQAM (SCCUQ)  mettent en demeure le comité exécutif (CE) de leur Syndicat. Ivan Constantineau, Alain Gerbier et Yvette Podhklebnik blâment notamment le CE de les avoir accusés à tort d’une opération de maraudage contre le SCCUQ, pour ensuite leur faire porter le bonnet d’âne. Faute grave pour un syndicaliste, le maraudage implique qu’un membre aurait approché une autre organisation syndicale dans le but qu’elle représente les chargés de cours du SCCUQ. Le comité exécutif reste de glace et balaie ces accusations du revers de la main.

Les tensions entre le comité exécutif et ces trois membres débutent à l’automne 2010, alors qu’Ivan Constantineau, Alain Gerbier et Yvette Podhklebnik contestent l’«autoproclamation» du Comité de négociation à la convention collective. Croyant que cette élection ne s’est pas faite en bonne et due forme, ils commandent un avis juridique et soulèvent des questionnements en assemblée générale. Le comité exécutif de l’époque réfute et commande un contre-avis à la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

Un an plus tard, en septembre 2011, ces trois chargés de cours sont accusés par le comité exécutif de mener une opération de maraudage, en faveur de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). «Une enquête a été faite et non seulement ce n’était pas moi, mais il n’y avait eu aucun maraudage», s’indigne Yvette Podhklebnik, militante syndicale depuis 20 ans.

Dans le procès verbal du 13 septembre 2011,  l’ancien président du CE, Guy Dufresne, indique que selon un informateur anonyme, trois personnes de leur syndicat auraient demandé à rencontrer la CSQ en faisant valoir qu’il y avait «de fortes divisions au sein du SCCUQ». Il ajoute que dès l’automne 2010, il y aurait eu des manœuvres de la part d’un petit groupe pour contester la légalité du processus de formation du Comité de négociation de la convention collective. Le vice-président à la convention collective de l’époque, Jocelyn Chamard, souligne aussi qu’il serait étonné que cette manœuvre de maraudage provienne d’autres personnes que ce groupe. Finalement, deux mois plus tard, en date du 1er novembre 2011, le vice-président aux affaires universitaires informait les membres du CE que la rumeur n’était pas fondée, car la période d’adhésion à la CSQ était terminée.

«Ils ont demandé à tous les membres de signer leur carte d’adhérence à partir du fait qu’il y avait une accusation de maraudage à l’intérieur du Syndicat, explique Ivan Constantineau, consterné. Après avoir mobilisé tout leur syndicat pour ces signatures, il doute que personne ne se soit posé de questions. «C’était un secret de Polichinelle. On a été les premiers accusés et les derniers informés», ajoute-t-il en gesticulant.

Le président du Comité exécutif Zakaria El-Mrabet reste de marbre face à ces accusations. «Pensez-vous qu’une organisation syndicale qui représente 2080 personnes comme le SCCUQ a du temps à perdre pour essayer de monter en toutes pièces une affaire quelconque contre une, deux ou trois personnes?» rétorque-t-il, posé.

Le 6 février 2013, les trois chargés de cours ont envoyé une mise en demeure et réclament des excuses publiques devant tous les membres de leur Syndicat, dans un délai de dix jours. Dans leur mise en demeure, les trois membres écrivent que ces actions auraient été commises dans le but explicite de porter durablement atteinte à leur réputation. «La Fédération nationale des enseignants du Québec le sait, la Confédération des syndicats nationaux le sait, on est taggués», constate avec amertume Ivan Constantineau. Pour la CSN, on est des maraudeurs potentiels.» Pour porter ces accusations, les trois chargés de cours s’appuient, entre autres, sur les procès verbaux du CE entre août 2010 et janvier 2012.

Pour le président du comité exécutif Zakaria El-Mrabet, il n’y avait pas lieu de faire des excuses devant tout le syndicat, puisque ces documents ne sont pas de nature publique. «Il s’agit d’un dossier syndical qui doit se traiter à l’intérieur du syndicat», soutient-t-il après avoir transmis une lettre réclamant de trouver d’un commun accord des solutions. Aucun des trois membres n’est satisfait de la réponse qui leur a été transmise jusqu’à maintenant. «S’ils ne font pas amende honorable, les prochains exécutifs ne sauront pas qu’on a demandé d’être lavés de tous soupçons», déplore Ivan Constantineau.

S’en remettre à la loi

Le directeur des programmes de Common Law et de droit transnational à l’Université de Sherbrooke, Fin Makela, rappelle qu’un syndicat ne peut être jugé coupable de diffamation au pénal. Or, celui-ci a une responsabilité civile quant à la réputation d’autrui.  Selon un article du Code du travail, une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi, de manière arbitraire ou de manière discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave à l’endroit des salariés compris dans une unité de négociation.

Près d’un mois et demi après l’envoi de la mise en demeure, Yvette Podhklebnik n’exclut pas de ses plans une requête juridique. Alain Gerbier, chargé de cours à l’École des médias, est du même avis. Selon lui, au-delà d’un délai de six mois, des poursuites seraient à envisager. Le comité exécutif, lui, réitère qu’il désire boucler ce débat entre les murs du Syndicat.

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