Un air de déjà-vu

Le nouveau recteur Robert Proulx débute son mandat sur un coup dur : il doit mettre l’UQAM au régime, en raison des coupes dans le budget des universités imposées par le gouvernement. Cette cure minceur fait craindre le pire aux associations étudiantes.

Le ministre québécois de l’Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, annonçait en décembre dernier que le budget des universités était réduit de 140 M$ pour l’année en cours. L’UQAM, qui perd 12,5 M$, doit revoir ses plans pour les trois prochains mois. Assis sur un sofa grisâtre, dans son grand bureau du pavillon Athanase- David, Robert Proulx dresse la liste de ses priorités. Il prévoit utiliser les miettes budgétaires restantes pour miser sur l’académique et laisser de côté les projets immobiliers. La communauté étudiante, quant à elle, craint que ces coupes affectent les services qui lui sont offerts. «On comprend que le gouver- nement ne veuille pas endetter la population, mais il faut qu’il tienne compte de la situation de l’UQAM», déplore Robert Proulx. Concentré, il explique que l’Université est déjà dans une situation financière précaire, en raison de la crise qu’elle a vécue en 2007. Le plan de retour à l’équilibre de l’institution l’oblige déjà à suivre une diète jusqu’en 2016. «Pour résorber ses pro- blèmes financiers, l’UQAM a fait le maximum d’économies et de compressions qu’elle pouvait. Plus que ça, notre développement et même notre fonctionnement seront altérés.»

Le conflit étudiant a coûté cher à l’institution, rappelle-t-il, en haussant les sourcils. «Ça a amené des coûts de 19 à 20 M$, en raison de l’annulation de la session d’été, de la sécurité accrue et des nouveaux contrats des chargés de cours et des auxiliaires d’enseignement pour le parachèvement de la session d’hiver», explique-t-il. À cela s’ajoutent les 6 M$ qui devaient être investis cette année pour favoriser le recrute- ment aux cycles supérieurs. L’UQAM n’a pas de surplus, tient-il à préciser, et sa fondation ne peut pas lui fournir d’importantes sommes rapidement, comme c’est le cas dans d’autres universités montréalaises. «Il faut que le gouvernement comprenne qu’on ne peut pas étirer l’élastique indéfiniment, déclare Robert Proulx. Il n’a pas inté- rêt à pousser l’UQAM au bord d’un précipice, car il devra tôt ou tard réparer des dégâts.» Le recteur prévoit prioriser les dépenses liées à l’enseignement et à la recherche, et retarder des projets qui ne sont, à son avis, pas prioritaires comme le développement technologique, l’investissement immobilier et le réaménagement des locaux. L’Université a un déficit autorisé de 9 M$ cette année, auquel elle pourrait également avoir recours, prévoit le recteur.

Craintes étudiantes
Jointe au téléphone, la présidente de la Fédération étu- diante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins, ne mâche pas ses mots. «C’est irresponsable de la part du gouvernement de réduire le budget des universités alors qu’il ne reste que trois mois à l’an- née scolaire, mais il ne faut pas pleurer sur le dos des recteurs», lance-t-elle. À ses yeux, les dirigeants des universités dramatisent la situation. Dans le cas de l’UQAM, la présidente de la FEUQ estime que l’institution peut amortir une partie des compressions en les ajoutant à son déficit, comme le laisse entendre Robert Proulx. Elle craint tout de même que ces restrictions budgétaires touchent directement la vie étu- diante, en réduisant les bourses et les services aux étudiants.

Ce scénario est également évoqué par des militants d’associations étudiantes uqamiennes. L’Association facultaire des étudiants en arts de l’UQAM ne s’est pas encore prononcée sur le sujet en assemblée générale, mais sa coordonnatrice aux affaires académiques, Justine Boulanger, croit que les 12,5 M$, qui seront amputés au budget n’étaient pas de trop. «Bien investis, ils auraient pu améliorer l’aide financière aux études, l’aide aux étudiants étrangers ou diminuer les frais administratifs imposés aux uqa- miens.» La membre de l’exécutif met toutefois la communauté universitaire en garde contre ce qui pourrait être une stratégie du recteur. «Robert Proulx commence son mandat dans une situation particulière, avec des coupures. Il va peut-être essayer de grossir le problème, en apparence, pour justifier les actions qu’il va faire après.»

Situation en main
La présidente de l’Université du Québec, Sylvie Beauchamp, apprenait la semaine dernière que les coupures budgétaires imposées aux universités seraient récurrentes en 2013-2014. Si l’UQAM devra se priver de dessert pour les prochains mois, elle arrivera tout de même à surmonter cet obstacle, croit Robert Proulx. Celui qui se décrit comme le dinosaure de l’UQAM, en raison de ses nombreuses années d’expérience comme étudiant, professeur et vice-recteur dans l’institution, rappelle qu’il en a vu d’autres. «L’UQAM en a vécu, des compressions, et des pires», se remémore-t-il.

Sur ces derniers mots, la relationniste lui fait signe qu’il est temps de retourner à ses dossiers, parmi lesquels se trouve celui du Sommet sur l’enseignement supérieur. Sa principale préoccupation, que l’UQAM soit présente à toutes les discussions, pour qu’elle fasse valoir ses besoins.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *