Le chemin sacré de l’écologie

Révolu le temps où les curés ne prêchaient que la Bonne Nouvelle. Les églises ont une nouvelle vocation: conscientiser les fidèles à l’écologie.

Difficile de trouver son chemin dans la Maison mère des Soeurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception à Outremont. Jour comme nuit, les lumières du monastère s’éteignent lorsque les corridors sont inoccupés. Fièrement installée dans le vaste jardin, soeur Pauline Boilard s’enthousiasme quand elle parle de l’effort écologique des siens.

Depuis quelques mois, le monastère honore sa nouvelle adhésion au programme Église verte. Ce plan soutient les églises de différentes confessions dans l’adoption de meilleures pratiques environnementales. Récupération des canettes vides, économie du chauffage en hiver, chaque petit geste compte pour ce regroupement à saveur écologique. «Les gestes varient d’un établissement à l’autre. Certaines églises offrent leur stationnement pour les voitures de Communauto, d’autres éteignent les lumières du clocher après minuit ou posent des affi ches pour économiser l’eau et l’électricité», élabore le directeur d’Église verte, Norman Lévesque. Certaines églises réorganisent même leur calendrier de location de salle pour chauffer en un bloc l’hiver et installent des supports à vélo sur le parvis afin d’impliquer les fidèles dans l’effort collectif.

Église verte est loin de sortir des boules à mites. C’est tout récemment, en 2006, qu’une jeune stagiaire a fait réaliser à la Révérend Patricia Murphy à quel point son centre pastoral, la maison Saint Columba à Montréal, gaspillait de l’énergie. Le temps d’un été, l’équipe du centre a complètement revu ses pratiques environnementales. Le recyclage et le compostage font désormais partie de la vie courante. Fière des changements entrepris, la Révérend a nommé son centre pastoral première église verte canadienne. Six ans plus tard, le nombre de membres du programme a augmenté considérablement, passant de six à 40 établissements.

Le web a permis aux églises vertes de se réunir en communauté. «J’ai reçu un document présentant le projet, j’en ai parlé à d’autres et on a fondé un comité vert», partage soeur Pauline Boilard, une des membres du programme. La missionnaire a ensuite présenté sur le site d’Église verte les gestes écologiques qui avaient été posés par sa communauté au préalable. Pour être dans le mouvement à part entière, il ne restait plus qu’à établir un plan d’action ciblant les prochains gestes verts à adopter.

Paver une nouvelle voie

Les gestes des églises pourraient trouver écho chez les fidèles de la traditionnelle messe dominicale. «Qu’on le veuille ou non, la religion occupe encore une place importante. Il y a beaucoup de gens qui vont à la messe, alors ça peut être un véhicule de changement très important», remarque le cofondateur et coordonnateur général adjoint d’Équiterre, Steven Guilbeault. Selon un rapport publié par Statistiques Canada en 2003, 77% de la population canadienne adhère au christianisme. Même si ce chiffre a tendance à baisser année après année, les églises tentent tant bien que mal de guider leurs fidèles dans la voie écologique. «On a souvent vu des groupes religieux prendre position dans les débats environnementaux, ajoute Steven Guilbeault, lui-même détenteur d’une mineure en théologie. Les églises transmettent un message social et environnemental; ça peut ébranler les gens.»

La moyenne d’âge des croyants allant à la messe tourne dorénavant autour de 60 ans. Pour des baby-boomers qui n’ont pas été sensibilisés à l’écologie dans leur jeunesse, le retour à la réalité ne s’est pas fait sans heurts. «Ils ne voient pas l’écologie comme étant une valeur de l’Église, mais lorsqu’on leur montre des passages verts de la Bible, ils sont convaincus», glisse le directeur de l’initiative, Norman Lévesque.

Même son de cloche pour Rosa Ortiz Quijano, cofondatrice et éditrice d’EcoSensus, une entreprise qui promeut l’économie verte au Québec. «De par l’attrait incontournable qu’elles exercent, si ces institutions deviennent toutes vertes, elles auront une influence durable sur l’environnement», assure-t-elle. Professeure au département des sciences et des religions à l’UQAM, Mona Abbondonza, apporte toutefois une nuance. «Le sentiment d’appartenance demeure chez les Québécois. L’Église elle-même n’a plus toutefois la même force politique et sociale qu’elle avait», expose-t-elle.

Certaines églises ont tout de même développé des programmes adressés spécialement à la jeunesse pour les inciter à contribuer à l’effort collectif. Avec une foule de jeunes qui ont grandi dans ces nouvelles valeurs vertes, ils espèrent rejoindre l’autre masse plus récalcitrante.

À ce jour, le programme Église verte est seulement offert au Canada, mais Norman Lévesque ne cache pas son envie d’exporter l’expérience ailleurs dans le monde, où la présence de l’église est incontestable. À quand la Sagrada familia verde?

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L’éveil de la conscience

L’implication verte de l’Église dans l’échiquier mondial ne date pas d’hier. En 1979, le pape Jean Paul II a reconnu Saint-François d’Assise patron des écologistes. En 1997, à Kyoto, peu avant l’adoption du célèbre protocole, le représentant du Conseil mondial des églises avait énoncé un discours mémorable pour regarder la question des changements climatiques comme une question environnementale, mais aussi de justice sociale pour tous. Depuis cette prise de conscience, les groupes religieux se sont impliqués dans le domaine avec une nouvelle ferveur.

 

Photo: Daphné Caron

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