Rufin aux frontières de la fiction

C’est Sept histoires qui reviennent de loin que nous propose le désormais célèbre romancier, Jean-Christophe Rufin, en cette rentrée littéraire. Sept brèves histoires qui nous transportent en des contrées toujours aussi réelles, bien qu’exotiques à souhait. Comme à son habitude, Rufin nous fait voyager là où notre esprit n’aurait jamais cru mettre les pieds. Il avait revisité l’histoire peu connue de la colonisation de l’Amérique du Sud dans Rouge Brésil, ou encore celle des missions d’ordres chrétiens en Abyssinie avec son roman le plus renommé, L’Abyssin. Cette fois, après avoir fait une brève incursion dans le monde du thriller d’espionnage, il nous revient avec ce petit recueil de sept nouvelles publié chez Gallimard. Sans se vouloir une œuvre ambitieuse, Sept histoires qui reviennent de loin nous permet de découvrir et de comprendre, à hauteur d’homme, des préoccupations mondialement modernes sous forme de courts récits.

Ceux qui connaissent un peu Rufin y reconnaîtront tout de suite son talent de conteur et ses références historiques, mêlant constamment réalité et fiction d’une main de maître. On garde ici la plume claire pour mieux plonger dans les diverses aventures avancées. Rien ne relie vraiment les sept nouvelles sinon un ton très personnel qu’on connaît moins à l’auteur. Comme s’il avait cette envie de nous raconter ces quelques histoires qui lui trottaient dans la tête depuis déjà trop longtemps. Par exemple, dans Nuit de garde, c’est un jeune médecin (comme Rufin) qui nous relate la première fois où il a dû confirmer le décès d’un patient en phase terminale. Le récit est touchant et empreint d’un grand réalisme qui nous amène à supposer l’implication réelle de l’auteur dans cette autofiction.

Tour à tour, ces petites histoires nous surprennent par leur originalité et le choix de leurs narrateurs. La parole est donnée à des riches propriétaires insulaires désormais persécutés par ceux qui furent un jour les esclaves de leurs parents. Au nom de la tolérance, ils doivent à leur tour subir d’étranges incursions sur leur propriété, au mépris du bon sens. Dans un ton complètement différent, on se laisse entraîner dans un récit d’alpinisme haletant qui soulève de belles questions relatives à la pitié, à la performance et aux choix que l’on impose à ceux qui nous suivent.

S’il est une chose de certaine à propos de ce recueil, c’est qu’il n’évoque rarement qu’une seule émotion. Tout y est toujours très changeant. On se surprend à être touché par la beauté d’une phrase ou d’une situation pour ensuite rire un bon coup en lisant la chute avant de recommencer une autre nouvelle qui prend une tout autre direction. Que ce soit au Sri Lanka ou au Mozambique, les personnages qu’on rencontre sont toujours aussi crédibles qu’étonnants. Rien de bien surprenant lorsque l’on connaît l’expérience de voyageur de cet auteur. Et malgré les quelques défauts que l’on peut reprocher à cette œuvre (ses chutes un peu faibles, entre autres), je vous parie que vous reviendrez de loin en relevant la tête, après la dernière de ces trop peu nombreuses pages.

Sept histoires qui reviennent de loin, Jean-Christophe Rufin, Gallimard, 2011, 163 p.

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