Double discours fleurdelisé

Daniel Ducharme, membre de longue date et ancien militant du Parti québécois (PQ), écrivait récemment une lettre ouverte dans le quotidien La Presse, déplorant le double discours des chefs du PQ depuis Jacques Parizeau. «Quand je reçois chaque année […] la lettre du chef m’invitant à passer à la caisse pour financer le parti, on me fait carburer à l’espoir du pays si proche. Pourtant, ce que j’entends dans les médias est exactement le contraire: on tient à rassurer la population, le PQ n’a rien de souverainiste, ou si peu, ne craignez rien.»

Comme le disait si bien Lucien Bouchard (chef du PQ de 1996 à 2001), «il faut attendre les conditions gagnantes» avant de relancer le débat sur la souveraineté. Des conditions qui semblent de plus en plus difficiles à réunir au fur et à mesure que la distance qui sépare le Québec du référendum de 1995 sur la question allonge.

Bernard Landry (chef du PQ de 2001 à 2005) avait affirmé, en 2005, vouloir mener le PQ aux prochaines élections afin de réaliser l’indépendance du Québec. Étrangement, il prenait sa retraite politique quelques mois plus tard. André Boisclair s’était quant à lui mis le pied dans la bouche en déclarant lors de sa campagne électorale en 2007 qu’il serait prêt à tenir un référendum, même en cas de gouvernement minoritaire. Sa défaite, historique (le PQ a été relégué aux bancs de la deuxième opposition), l’a rapidement fait déchanter. «La souveraineté est devenue irréalisable et le PQ doit renoncer à vouloir tenir un référendum sur la question au cours d’un premier mandat», a-t-il alors déclaré.

Sa successeure, Pauline Marois, a également mis la pédale douce sur l’utilisation des – gros – mots «indépendance et souveraineté». Dans son programme électoral, la souveraineté, pourtant «objectif premier du PQ», est bon dernier sur la liste des engagements. Pas de référendum en vue, mais plutôt des «gestes de souveraineté» visant à faire «progresser la nation québécoise».

Selon un sondage CROP-La Presse paru le 15 novembre, la souveraineté arrive quatorzième au rang des préoccupations des Québécois, loin derrière la santé, l’éducation et l’économie. Pas très «gagnant» comme enjeu électoral. Tellement qu’il a été évacué de la publicité du parti et qu’il n’est qu’évoqué dans son thème musical de campagne. «Si on était moins perplexes, on avait plus le goût, on y croyait vraiment, on s’en parlait», peut-on entendre.

QuébecPerdant.org?
Ce que Daniel Ducharme soulève dans sa lettre est symptomatique d’un parti dont les revendications traditionnelles tombent à plat, trop affaibli par ses défaites antérieures pour espérer sortir gagnant auprès de l’électorat en misant sur elles, mais trop craintif de perdre sa base électorale pour les laisser tomber.

J’ai dernièrement rencontré Lucie K. Morisset, chercheuse associée à la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain de l’UQAM. L’entretien portait sur un tout autre sujet: le déficit de lieux de commémoration au Québec. «La commémoration a toujours été un sujet ambigu pour les Québécois. L’histoire du Québec est en effet basée sur des récits de batailles perdues, comme celle des Plaines d’Abraham en 1759 ou celle des Patriotes en 1837-1838. Les commémorer reviendrait à commémorer des perdants, alors que commémorer ceux qui ont gagné ces batailles serait tout à fait inconvenant.»

Voter pour le PQ serait-il devenu un geste de commémoration inconfortable pour un parti qui, en regard de ses principes fondateurs, serait devenu un parti de perdants? En 40 ans d’existence, le PQ a certes connu son lot de victoires (Loi sur la protection du consommateur, Loi québécoise sur l’équité salariale, etc.), mais les défaites aux deux référendums sur la souveraineté tenus en 1980 et 1995, additionnées à la défaite électorale de Bernard Landry en 2003 et celle d’André Boisclair en 2007, sont probablement plus parlantes.

Il serait temps que le PQ apprenne de ses erreurs. Et ça, ce n’est pas dire aux Québécois que la souveraineté n’est pas la priorité du parti et affirmer le contraire à ses membres. Il faut faire un choix et l’assumer, sans quoi le parti, qui se consume déjà de l’intérieur, risque de s’éteindre, victime qu’il aura été de sa propre confusion.

societe.campus@uqam.ca

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