Avoir ou ne pas avoir d’enfants? C’est une question que les jeunes Québécois(es) se posent. Face à l’instabilité politique, l’inflation ou encore leur vie professionnelle, renoncer à la parentalité est un choix évident pour plusieurs jeunes adultes.
« Je trouve qu’en ce moment, le monde n’est vraiment pas stable sur le plan politique et environnemental […] Ce n’est pas un environnement propice pour élever un enfant », pense Naïma Donaldson, une étudiante à l’UQAM. Comme bien des jeunes, elle s’inquiète de l’instabilité mondiale actuelle et ne sait pas si elle souhaite être mère.
« J’ai des projets qui demandent beaucoup de temps et d’argent, un enfant demande beaucoup de temps et d’argent. Mes projets de vie sont prioritaires par rapport à fonder une famille », affirme Batya Mariella Kokoume, une étudiante en administration à l’UQAM qui ne souhaite pas avoir d’enfants.
Des conditions économiques difficiles
La professeure de sociologie à l’Université de Montréal Marianne Kempeneers explique que « les conditions économiques du moment, des dernières décennies, ne sont pas propices à vouloir faire des enfants ».
Entre l’inflation et la crise du logement, plusieurs personnes estiment ne pas pouvoir offrir une vie idéale à un(e) enfant et décident de ne pas en avoir, selon le professeur de sociologie à l’Université Laval Dominique Morin.
Dans les périodes de difficultés économiques, le nombre de naissances est donc plus bas. « La fécondité au Québec a atteint son point le plus bas au milieu des années 80, c’est un moment où les prix hypothécaires étaient très élevés », ajoute M. Morin.
Prioriser sa carrière
Il n’est pas rare que les jeunes adultes priorisent leur carrière et leurs projets de vie. C’est le cas de Naïma Donaldson, qui prévoit beaucoup voyager. « Il faudrait que je m’installe de façon définitive […] Il faudrait que je change drastiquement mon style de vie », témoigne l’étudiante.
Pour plusieurs personnes, fonder une famille est synonyme de sacrifier sa carrière et ses rêves. « Des études quantifient et démontrent des écarts [dans le milieu professionnel] à la défaveur de ceux qui ont des enfants, surtout les mères », affirme Dominique Morin.
Malgré les progrès des dernières décennies, la séparation des tâches au sein des couples hétérosexuels est encore inéquitable. « Les enquêtes montrent que les femmes continuent d’en faire beaucoup plus, surtout dès qu’il y a des enfants », souligne Marianne Kempeneers. Face à cette réalité, certaines jeunes mères sont désavantagées dans leur milieu de travail. Ainsi, plusieurs femmes décident de renoncer à la maternité et priorisent leur carrière.
Manque de compréhension
La décision de ne pas avoir d’enfants peut engendrer des réactions négatives au sein de l’entourage. « Ma mère veut à tout prix des petits-enfants. Selon elle, il faut que je change d’avis », affirme Batya Mariella Kokoume.
Dominique Morin explique qu’il est difficile pour les plus vieilles générations de comprendre ce questionnement récurrent chez les jeunes Québécois(es). « Cela peut créer des interactions difficiles, qui viennent souvent avec des identifications négatives, comme d’être une femme qui n’a pas d’enfants », exprime M. Morin.
Selon Marianne Kempeneers, les femmes qui n’ont pas d’enfants sont plus critiquées que leurs pairs masculins. « Il y a une idéologie qui associe féminité et maternité, et on ne retrouve pas ce même poids-là de devoir faire des enfants sur les hommes », indique-t-elle.
La professeure de sociologie reconnaît qu’« [il y a] une injonction très forte qui pèse beaucoup sur les femmes pour faire des enfants, parce que c’est présenté comme étant épanouissant ».
Symbole de succès
Mme Kempeneers précise qu’aujourd’hui, l’enfant est perçu comme le fondateur du couple. Autrement dit, l’épanouissement individuel de chacun des membres d’un couple dépend d’un enfant. Aux yeux de certain(e)s, les personnes qui n’ont pas d’enfants ne connaîtront jamais le véritable bonheur et sont destinées à une vie de solitude.
Dominique Morin révèle que, dans la société québécoise, il existe également une glorification autour de la conciliation travail-famille. Les adultes qui ont décidé de ne pas avoir d’enfants afin de prioriser leur carrière sont parfois dévalorisé(e)s. Leur succès professionnel paraît moins impressionnant que celui d’un parent, comme ils n’ont pas la responsabilité ajoutée d’élever des enfants.
Malgré les critiques qu’elle reçoit, Batya Mariella Kokoume ne pense pas changer d’idée : « Les enfants, ce n’est pas ce qui m’intéresse. J’aurai plus de temps pour moi-même, du temps que je n’aurais pas si j’élève des enfants ».
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