TikTok noie la culture

TikTok a non seulement le pouvoir de nous hypnotiser pendant des heures, mais a aussi l’effet d’affaiblir la culture et d’éroder les liens qui nous rassemblent.

Aujourd’hui, en plus de nous donner accès à une infinité de contenus, TikTok nous entraîne dans un tsunami de tendances. Celles-ci ne touchent pas un groupe en particulier, elles touchent l’ensemble des internautes, et ce, partout dans le monde.

Telles des vagues, les tendances nous emportent une après l’autre jusqu’à disparaître pour laisser place à la prochaine.

TikTok crée et popularise de nouveaux référents culturels à une vitesse fulgurante. Je pense entre autres aux phénomènes éphémères du « brat summer » et du « sad hamster », qui seront déjà oubliés d’ici les prochaines semaines. Ces trends vont jusqu’à affecter directement les vrai(e)s artistes, comme Billie Eilish et sa chanson What Was I Made For, qu’elle a même interprétée sur scène en miaulant pour faire plaisir au public.

La plateforme rassembleuse représente un tournant dans l’histoire de la culture, dans cette ère où les référents culturels à long terme semblent en voie d’extinction.

« Il y a des tendances qui sont inquiétantes », affirme Laurence Grondin-Robillard, professeure associée et doctorante à l’École des médias. Elle me raconte entre autres une mode survenue en France où des gens répondaient à la question « qu’est-ce que tu ferais si tout était permis pendant 24 heures ? ».

Les propos tenus en ligne, notamment dans les commentaires, ont dégénéré. « [Les internautes ont] compris que, s’ils utilisaient le mot “viol”, ils allaient se faire bannir ou censurer. Alors, ils mettaient un point violet, ma cousine, point violet, ma sœur, et c’était dégueulasse », déplore-t-elle. 

Je suis d’accord.

Le côté rassembleur, qui peut me sembler positif quand je pense au mouvement Me too ou à des phénomènes comme booktok, devient vite un facteur d’inquiétude et constitue une illusion, une façade. 

Comme le dit si bien Laurence Grondin-Robillard, « l’inverse aussi existe ».

Il y a des adeptes de l’homme d’affaires masculiniste Andrew Tate ou des gens d’extrême droite qui ne reçoivent que du contenu qui suit ces idéologies.

Heureusement, la capacité de l’application à géolocaliser les utilisateurs et utilisatrices peut avoir un effet positif sur le rayonnement de certains acteurs culturels au Québec.

On peut penser à des commerces locaux, comme le restaurant Belle Afrique et son Fufu sauce graine, qu’on n’aurait jamais connu autrement.

La chercheuse soutient que les algorithmes de l’application ont tendance à nous présenter du contenu viral qui provient d’ailleurs. Cependant, « il y a quand même la [géolocalisation], qui va faire en sorte qu’on va essayer, pour te maintenir sur la plateforme, de te proposer du contenu qui va t’appeler ».

Si la spécialité du restaurant de Montréal-Nord a réussi à faire le tour du Québec, il n’est pas étonnant que des tendances beaucoup moins anodines réussissent à se frayer un chemin jusqu’ici.

TikTok nous expose à du contenu parfois non désiré ou même nocif, et donne le champ libre à des gens aux idéologies extrêmes de se rassembler. L’application est aussi en voie de changer à jamais nos rapports communs à la culture.

La plateforme encourage ses usagères et usagers à la surconsommation avec son modèle d’affaires, qui engendre une réaction en chaîne et qui fait que l’on a constamment besoin de voir plus de contenu. 

Bien que cela assure la continuité de son succès, le côté éphémère des modes sur TikTok fait qu’« on ne va pas apprécier autant les éléments culturels que nos parents et nos grands-parents », confirme Laurence Grondin-Robillard. « Ça ne va pas nous suivre aussi longtemps. »

L’algorithme fait que, mis à part certains contenus qui font le tour du globe, tous les fils varient en fonction des intérêts de chacun(e). 

« En bout de ligne, on va chacun avoir nos éléments culturels, mais ça ne sera peut-être pas les mêmes que notre voisin », renchérit l’experte. « Ça nous divise plus que ça nous rassemble. »

On risque de rester à jamais pris dans une boucle infernale de surconsommation de contenu qui, malgré son apparence rassembleuse, nous pousse vers une culture de plus en plus individualiste.

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