De plus en plus utilisé comme une forme d’automédicamentation, le cannabidiol (CBD) recèle encore de nombreux mystères. Plusieurs en consomment malgré le manque de preuves scientifiques quant à ses effets.
« J’avais des pensées suicidaires et maintenant, je n’en ai plus aucune », affirme Sophie Raymond, étudiante au baccalauréat en psychologie à l’UQAM. Celle qui souffrait auparavant de symptômes dépressifs et anxieux prend quotidiennement du CBD depuis son entrée à l’université en 2022. Selon elle, cette substance lui a été d’une grande aide pour l’amélioration de l’état de sa santé mentale.
Dans son cas, les vertus auraient été perceptibles dans les premiers jours suivant le début de sa consommation. Son choix s’est rapidement tourné vers le cannabidiol puisqu’à son avis, « les antidépresseurs avaient trop d’effets secondaires ». L’étudiante était aussi une fumeuse de cannabis.
« Il existe probablement autant de raisons de consommer du CBD qu’il existe de personnes qui en consomment », avance François-Olivier Hébert, associé de recherche à l’axe neurosciences du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). La curiosité ainsi que les effets anxiolytiques et sur le sommeil sont quelques motifs qu’il évoque.
Après de nombreuses années passées à fumer du cannabis, Ézékiel Ngalamulume a pris du CBD pendant environ deux ans en guise de transition. « Chaque fois que je consommais du THC, j’avais des crises d’anxiété et je vivais de la paranoïa », raconte l’étudiant au certificat en études féministes à l’UQAM. Le THC constitue l’élément psychoactif du cannabis. Il entraîne des effets euphoriques et psychotropes lorsqu’il est consommé.
Prêter des vertus à un produit chimique
Avant de se tourner vers le cannabidiol, Ézékiel a multiplié les recherches sur le sujet puisqu’il ne souhaitait pas « quitter la pluie pour tomber dans la mer ».
« Je ne voulais pas que ce soit super addictif. »
– Ézékiel Ngalamulume
Les effets du CBD se sont finalement avérés positifs pour le jeune homme, qui compare les sensations relaxantes de sa consommation à celles d’un verre de vin en fin de journée.
« On associe toutes sortes de propriétés à cette substance. Mais qu’est-ce qui fait vraiment partie de la réalité? », se questionne Laurence D’Arcy, chargée de projet et spécialiste en dépendance à l’Institut universitaire sur les dépendances.
La spécialiste explique que les études se penchant sur les effets de la consommation de CBD ne sont pas suffisamment concluantes pour qu’elle recommande la substance, par exemple, comme traitement contre l’anxiété.
Selon François-Olivier Hébert, « le CBD semble avoir une interaction avec le rythme circadien, c’est-à-dire la régulation de notre état d’éveil et d’endormissement ». La substance aiderait à améliorer le sommeil, mais la dose consommée et le mode d’administration influenceraient le degré des effets.
Les produits de CBD contiennent une portion infime de THC. Mme D’Arcy précise que « 113 cannabinoïdes [autres que le THC et le CBD] sont présents dans le cannabis et ne sont pas indiqués sur les emballages ». Leurs impacts seraient minimes, mais elle insiste sur le fait que des répercussions encore inconnues pourraient se manifester.
Une science qui piétine
Bien que le cannabis soit légal au Canada depuis 2018, les recherches concernant ses composantes demeurent limitées. Pour ce qui est du CBD, « il y a ce que les gens perçoivent de leur consommation et de ses effets, puis ce que la science dit », d’après François-Olivier Hébert. Il précise que le lien entre les deux n’est « pas très évident » pour le moment.
Pour lui, la science n’est pas encore au niveau. « On se met à légaliser le cannabis et tout le monde en prend, mais la réglementation pour la recherche ne suit pas », déplore-t-il.
Ce manque d’information se reflète en boutique. Ian Sadi, conseiller à la vente à la Société québécoise du cannabis (SQDC), indique qu’il ne peut pas assurer les effets qui se manifesteront chez sa clientèle lors de la consommation. « Ce que je dis d’habitude, c’est qu’il y a par exemple des possibilités que ça baisse l’anxiété ou que ça aide avec les douleurs musculaires. »
Laurence D’Arcy recommande de s’approvisionner auprès de sources légales telles que la SQDC. Le produit y est contrôlé et est donc exempt de contaminants. Sans métaux lourds, bactéries ou spores de champignons, le CBD y est de bonne qualité, selon elle.Consulter son ou sa pharmacien(ne) demeure le réflexe idéal à avoir afin de déterminer, notamment, les éventuelles interactions que le cannabidiol peut avoir avec d’autres médicaments. Mme D’Arcy indique que rien de sévère n’a été répertorié pour le moment. Or, « ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’effets graves. On ne le sait juste pas encore », note la spécialiste.
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