L’humour se réinvente dans l’inclusion

Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 mars 2023

Le monde de l’humour québécois a longtemps été dominé par un cercle restreint d’hommes blancs hétérosexuels. Petit à petit, des soirées mettant de l’avant des humoristes féministes et queers se taillent une place dans ce milieu en quête d’inclusion.

Fondé en juillet 2021 par Noémie Leduc Roy et Anne-Sarah Charbonneau, le Womansplaining Show est une soirée d’humour féministe, où seules les femmes et les personnes issues de la diversité sexuelle et de genre sont invitées sur scène. « Je pense vraiment que c’est en train d’éclore », affirme l’artiste Noémie Leduc Roy au sujet de ce type de soirées axées sur l’inclusion. « Dans les soirées d’humour régulières dans les bars, il y a souvent juste une ou deux femmes », expose-t-iel. 

Le Womansplaining Show a pour but d’offrir un espace sécuritaire accueillant des personnes marginalisées souhaitant faire de l’humour. Le nom du spectacle vient du mot « mansplaining » (« mecsplication » en français). Ce terme désigne une explication condescendante faite par un homme à une femme en raison de son genre. 

L’humoriste et artiste multidisciplinaire Catherine Gagnon juge que ces soirées inclusives sont essentielles au sein du milieu de l’humour québécois. Cette dernière a créé le Peach Club, qui a eu lieu pour la première fois le 3 novembre 2022 à Montréal. « C’est une initiative pour créer un espace sécurisant pour les personnes s’identifiant comme femme ou non-binaire, indique-t-elle. Les femmes et les personnes non binaires sont encore très séparées des hommes dans le milieu de l’humour. Malheureusement, nous n’aurions pas d’espace pour nous si nous ne faisions pas ces soirées. »

Faire rayonner l’inclusion

D’autres concepts de soirées d’humour inclusives existent au Québec, notamment le spectacle Drôle en Queer, créé par l’humoriste Zach Poitras. « L’idée vient du fait qu’il y avait des soirées féministes, mais il n’y avait pas de soirées pour les personnes queers, explique-t-iel. C’est une soirée d’humour normale, sauf que les invités sont dans la communauté LGBTQ+. »

Le spectacle Drôle en Queer a une démarche unique. Parfois, un homme hétérosexuel blanc est invité et celui-ci se fait huer par le public, ce qui fait partie du jeu. 

D’autres initiatives de ce genre existent à Montréal, comme le Show Queer de Joelle Prud’homme. Cet événement offre une voix aux personnes issues de la diversité sexuelle et de genre, dont les humoristes Tranna Wintour et Mona de Grenoble. « C’est tout simplement un spectacle où 100 % des artistes se considèrent dans la communauté LGBTQ+. Les humoristes parlent de ce qu’iels veulent ! », s’exclame Mme Prud’homme.

Une ouverture grandissante

La place de la diversité dans le monde de l’humour s’est agrandie dans les dernières années au Québec, même si plusieurs artistes affirment qu’il reste du chemin à parcourir. Caro Monast, cocréatrice du groupe humoristique Les Allumettières, qualifie le progrès dans le milieu de « très lent ». « On s’affirme de plus en plus, et je pense que l’industrie commence à sentir qu’elle n’a plus le choix de faire de la place pour nous », juge-t-elle.

Selon Joelle Prud’homme, les spectacles d’humour axés sur la diversité gagnent en notoriété. « C’est de plus en plus populaire, parce que c’est bien d’aller dans un spectacle d’humour et de savoir qu’aucun artiste ne fera de blagues qui blessent certaines communautés », insiste-t-elle.

Recevoir des commentaires désobligeants lors de ces spectacles inclusifs est rare, se réjouit Catherine Gagnon. « Dans ce genre d’événement, on attire notre communauté. Donc, la plupart des hommes problématiques ne vont pas nécessairement se retrouver dans ces endroits », spécifie-t-elle.

Des soirées comme le Womansplaining Show sont généralement bien reçues dans le milieu de l’humour québécois, ajoute Noémie Leduc Roy. « Les gens qui critiquent le concept, ce sont des personnes qui ne sont pas venues voir le spectacle », défend-iel.

Zach Poitras précise qu’il ne manque pas forcément de personnes issues de la diversité dans le monde de l’humour. « Ce qu’il manque, ce sont des personnes qui invitent ces individus issus des différentes communautés », complète-t-iel.

Mention photo : Chloé Rondeau | Montréal Campus

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