Entre sécurité et itinérance

Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 mars 2023

Un matin de février, je rentre dans le pavillon Judith-Jasmin à partir du métro. Quelques pas devant moi, je vois marcher un homme que j’aperçois parfois dans la station Berri-UQAM. Je présume qu’il est en situation d’itinérance. À peine entré dans le pavillon, il est interpellé par un agent du Service de la prévention et de la sécurité qui lui demande de sortir, mais l’homme continue d’avancer, visiblement irrité, et lui répond qu’il emprunte ce chemin pour se rendre au magasin Archambault. Il continue à marcher, mais l’agent le suit, hausse le ton et lui redemande de sortir. L’homme l’ignore, pendant que l’agent persiste à lui demander de quitter, sans succès. 

C’est le récit palpitant d’une des quelques interventions par un agent du Service de la prévention et de la sécurité auxquelles j’ai assisté, depuis mes deux années à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Cette histoire a fait germer une question en moi : les agents et les agentes du Service de la prévention et de la sécurité sont-ils et elles ce dont l’UQAM a besoin pour intervenir auprès de la population itinérante ? 

Laissez-moi donner un peu de contexte. Les agents et les agentes de sécurité à l’UQAM sont engagé(e)s par la compagnie de sécurité privée GardaWorld. Ce véritable empire assure la sécurité de personnes, d’entreprises, d’ambassades et du transport d’argent. 

Cependant, ces tâches sont bien différentes d’une intervention auprès de personnes en situation d’itinérance. Alors, en quoi consiste la formation des agents et des agentes de l’UQAM ? 

La majorité des personnes en situation d’itinérance qui entrent dans le campus « sont de passage le temps de se réchauffer et respectent les règlements et les politiques de l’université », souligne Jenny Desrochers, directrice des relations de presse de l’UQAM. Lorsque les règlements de l’université sont enfreints, les agents et les agentes ont comme mandat d’intervenir et d’accompagner la personne concernée vers la sortie. 

Les agents et les agentes reçoivent un total de 165 heures de formation, « dont une journée entière consacrée à la communauté environnante de l’université », précise Mme Desrochers. Ils et elles sont formé(e)s sur les premiers soins psychologiques, et les secouristes du Service de la prévention et de la sécurité sont aussi équipé(e)s de naloxone, un médicament qui permet de renverser temporairement les effets d’une surdose d’opioïdes. De plus, le Service de la prévention et de la sécurité peut contacter la Société de développement social, un organisme qui met l’université en lien avec des intervenants et des intervenantes spécialisé(e)s dans l’accompagnement des personnes en situation d’itinérance. 

On dit parfois que l’UQAM est un microcosme de la société, et son approche en ce qui concerne l’itinérance ne fait pas exception à cette idée. Tout comme les agents et les agentes de l’université, les policiers et les policières sont les premières personnes à intervenir auprès de la population itinérante. En 2017, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) annonçait que ses agents et ses agentes recevraient une formation obligatoire sur l’itinérance avec un accent sur les problèmes de santé mentale. 

Il existe cependant d’autres solutions. En 2021, la Ville de Montréal a mis sur pied l’Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (ÉMMIS), composée de 14 intervenants et intervenantes spécialisé(e)s en itinérance déployé(e)s dans Ville-Marie et dans le Sud-Ouest. L’ÉMMIS collabore avec le SPVM, mais elle a comme objectif de réduire l’intervention policière et d’être un contact entre les personnes en situation d’itinérance et les ressources dont elles ont besoin. Visiblement, le projet fonctionne : d’ici la fin de l’année 2023, l’ÉMMIS engagera 18 intervenants et intervenantes de plus, et sera aussi déployée dans deux autres arrondissements. 

Alors, rêvons grand : pourquoi ne pas suivre cet exemple et déployer des intervenants et des intervenantes directement sur le campus de l’UQAM ? Plutôt que d’assister à des interventions vaines par des agentes et des agents dépassé(e)s, peut-être arriverions-nous vers une cohabitation plus saine avec les personnes vulnérables qui s’abritent sous le toit de l’université. 

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