Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 mars 2023.
La mobilisation étudiante serait dans un creux de vague, avait-on écrit cet automne dans la précédente édition papier du Montréal Campus. Avec la fondation de la Coalition de résistance pour l’unité étudiante syndicale (CRUES) en février dernier, force est de constater que le syndicalisme étudiant s’est bel et bien réveillé d’une somnolence forcée par la pandémie de COVID-19.
La CRUES souhaite canaliser les voix de la jeunesse militante tel que le faisait auparavant l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ). Dissoute en 2019 à cause de scissions internes, cette organisation a été la dernière du mouvement étudiant à avoir rassemblé à l’échelle nationale tous les cycles d’enseignement supérieur.
À l’Université du Québec à Montréal (UQAM), le travail de mobilisation est souvent dispersé. Pour une même cause, les sept associations étudiantes facultaires s’affairent chacune de leur côté. Même si certaines coopèrent mieux entre elles que d’autres, aucune association représentant l’ensemble de la communauté étudiante n’existe à notre université. Si elles choisissent de s’affilier à la CRUES lors des référendums qui auront lieu dans les prochaines semaines, les associations étudiantes feront le pari d’accroître leur force militante.
Espérons que cet essor réussira à rassembler et à politiser une communauté étudiante qui, en règle générale, s’avère assez passive.
Retour à la session dernière : durant cinq semaines, les futurs enseignants et futures enseignantes de l’UQAM étaient en grève pour revendiquer de meilleures conditions de stage. Tout au long de la mobilisation, l’Association des étudiantes et des étudiants en science de l’éducation (ADEESE) a dû faire des pieds et des mains pour que la lutte persiste. La cause était noble, mais justifiait-elle l’arrêt des cours ? Pour plusieurs, le risque d’étirer une session à cause d’un mandat de grève prévalait sur celui de voir ses droits bafoués.
Comme le démontre un article du sociologue Jean-Philippe Warren paru en 2018, le désintérêt des jeunes envers les luttes sociales ne date pas d’hier. Dès l’essor de la mobilisation étudiante dans les années 1960, l’auteur note que « les jeunes ne semblent pas tant penser à la réforme de l’école ou de la société qu’à leur emploi prochain ». Encore aujourd’hui, pour bien des universitaires, les études de cycles supérieurs apparaissent comme un simple moyen d’obtenir un poste bien rémunéré ; une vision que dédaigne le syndicalisme étudiant.
Depuis sa naissance au Québec, le syndicalisme étudiant soutient l’idée qu’étudier est un travail intellectuel. Selon ses partisans et partisanes, « l’étudiant ne peut se consacrer à ses études sans prêter attention à ce qui se passe dans le vaste monde. Les grèves dans les usines ou l’administration de son institution scolaire doivent lui paraître des causes au moins aussi graves, aussi pressantes que l’obtention d’une bonne note dans un cours de philosophie ou de chimie », écrit Jean-Philippe Warren.
La CRUES, une fois en marche, a tout intérêt à mettre de l’avant cette philosophie. Sinon, comment la communauté étudiante peut-elle se mobiliser autour d’enjeux dont elle ne saisit pas la pertinence ?
Se politiser et sympathiser avec des enjeux qui dépassent nos intérêts immédiats ne vont pas de soi pour chaque universitaire. L’humain est souvent prompt à critiquer ce qui l’ennuie au quotidien, mais ses reproches vont rarement au-delà de ce qui l’affecte directement. Les associations étudiantes se targuent de défendre les intérêts de leurs membres, mais les connaissent-elles vraiment ?
Jean-Philippe Warren rapporte une étude effectuée dans les années 60 auprès de jeunes du cégep du Vieux Montréal où la majorité des personnes interrogées se plaignent davantage « de manger des sandwiches humides » que d’enjeux sociaux. Je ne peux que me demander quel serait le résultat d’un tel sondage aujourd’hui.
Si l’on veut que la communauté étudiante s’intéresse aux problèmes qui dépassent le bout de son nez, l’université doit être à nouveau positionnée comme l’antichambre d’une prise de parole citoyenne, et non seulement un passage vers un emploi payant. Une fois cette notion acquise, la jeunesse pourra se dresser en force face à l’État et à l’élite économique.
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