Des milliers de Montréalais et de Montréalaises ont célébré le 19 mars dernier la 198e édition du défilé de la Saint-Patrick de Montréal. Cette parade, la plus ancienne au Canada, met en lumière l’histoire et la résilience des Irlandais et des Irlandaises ayant immigré au Québec.
Le défilé a été lancé dimanche après-midi au croisement des rues Sainte-Catherine et du Fort. Le vent mordant n’a pas découragé un public ravi par le son des musiques traditionnelles irlandaises. Prestations de danses, chars allégoriques et orchestres endiablés : il y en a eu pour tous les goûts. « Il fait froid, mais nous sommes heureuses d’être venues », s’exclament Judy et son amie Kendra, arrivées d’Ottawa spécialement pour la journée.
Le public se pressait tout sourire le long du trottoir pour tenter d’être le plus proche possible des réjouissances. Les chars aux drapeaux verts et orange n’ont pas manqué de créativité. Entreprises, bars et clubs de sports ont notamment pris part aux festivités.
Une riche histoire
Le défilé de la Saint-Patrick est une tradition qui remonte au début du 19e siècle. « Le premier défilé a été organisé en 1824 par un avocat catholique irlandais », explique la guide touristique montréalaise Françoise Bâby. La parade a pris de l’ampleur au fil des années et s’est tenue annuellement, sans exception, de 1824 à 2020.
Au début du 19e siècle, la communauté irlandaise de Montréal avait du mal à s’intégrer, relève Mme Bâby. D’après la guide touristique, le défilé de la Saint-Patrick aurait été instauré pour mettre en avant la fierté irlandaise dans une période difficile pour cette communauté. Le professeur d’histoire à l’Université du Québec à Montréal Laurent Colantonio souligne quant à lui le caractère résilient de la diaspora irlandaise au Québec.
Les Irlandais et Irlandaises, qui faisaient majoritairement partie de la classe ouvrière, travaillaient sur des chantiers, notamment celui du canal de Lachine. La communauté habitait les rues de Griffintown. Le nom du quartier provient d’ailleurs de l’architecte irlandaise Mary Griffin qui a en a fait les plans. Elle est la première architecte à avoir introduit des plans de villes quadrillées en Amérique du Nord.
À Montréal, une rivalité s’est installée entre la communauté irlandaise et les francophones, notamment en raison de différences culturelles. Les tensions étaient les plus fortes sur les chantiers entre les ouvriers et les ouvrières d’origines différentes. Malgré leurs conflits, ces deux groupes avaient toutefois un point commun : ils se situaient au bas de la hiérarchie sociale de l’époque. À l’instar des Canadiens et des Canadiennes françaises, les Irlandais et les Irlandaises étaient peu considéré(e)s par la couronne britannique.
Le premier Irlandais à s’établir sur le territoire canadien, Tadg Cornelius O’Brennan, est arrivé à Montréal en 1661. « Entre 1815 et 1840, il y avait déjà près d’un million d’Irlandais au Canada », rapporte M. Colantonio. L’immigration s’est accélérée pendant la grande famine qui a touché l’Irlande de 1846 à 1851. « La rencontre entre les Irlandais et les [Canadiens] francophones a été une expérience unique dans la diaspora irlandaise à cause [du choc de culture] de la langue », ajoute-t-il.
Une présence accrue
Malgré leurs différends, beaucoup d’orphelines et d’orphelins d’origine irlandaise ont été adopté(e)s par des familles canadiennes francophones. « Les familles les laissaient conserver leur nom de famille d’origine : c’est pour cela que beaucoup de Québécois et Québécoises ont des noms irlandais », souligne Mme Bâby.
Au début des années 1900, la communauté irlandaise de Montréal s’est éparpillée dans la ville. « Ils se sont éduqués, et ont commencé à travailler dans des domaines différents », raconte la guide touristique.
Aujourd’hui, le trèfle figurant sur le drapeau de la ville de Montréal est une marque de l’héritage irlandais dans la métropole.
Alors que le défilé tirait à sa fin dimanche après-midi, les sourires n’ont pas quitté les lèvres du public. Enchanté par la parade, un groupe d’amis montréalais se confie. « On vient au défilé chaque année depuis 10 ans. C’était jovial, enfin on est sorti au soleil : c’était vraiment excellent », exprime l’un d’entre eux. Pour l’occasion, la Ville de Montréal a autorisé la consommation d’alcool dans la rue, une mesure qui a réjoui le groupe d’amis. « On reviendra l’année prochaine ! », promettent-ils.
Mention photo : Camille Dehaene|Montréal Campus
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