Le 29 octobre dernier, des dizaines de fausses affiches publicitaires ciblant le traitement des plaintes en matière de harcèlement sexuel au sein de l’UQAM sont apparues dans plusieurs quartiers de Montréal. Cette action féministe anonyme survient un an après le mouvement #MeToo et quatre ans après le Stickergate à l’UQAM lorsque plusieurs professeurs avaient été dénoncés pour violences sexuelles. Il y a quelques semaines, la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAÉCUM) lançait une campagne (#OmertàUdem) pour dénoncer le processus disciplinaire opaque concernant les violences à caractère sexuel au sein du corps professoral. Alors que cette campagne d’affichage anonyme s’inscrit dans un contexte élargi de luttes féministes contre la culture du viol, nous déplorons l’attitude institutionnelle uqamienne visant d’abord et avant tout à protéger son image plutôt que le bien-être des membres de sa communauté.
L’image publique avant le bien-être
C’est ce que fait l’UQAM lorsque sa porte-parole s’empresse de se dissocier d’affiches publicitaires – évidemment fausses – en les qualifiant de « frauduleuses » et qui « usurpent l’identité de l’institution ». L’UQAM, comme institution disposant de ressources économiques et juridiques considérables, se présente en victime face à une action relativement inoffensive (bien qu’elle soit d’éclat) et qui est plutôt caractéristique de la tactique du dernier recours utilisée par des populations dont la voix n’est généralement pas entendue autrement. Nous sommes d’avis que l’UQAM devrait se demander pourquoi une telle action plutôt que comment cette action a été possible.
Instrumentaliser les consultations sur la Politique 16
Nous déplorons le fait que l’UQAM instrumentalise les consultations sur la réforme de la Politique 16 (contre le sexisme et les violences à caractère sexuel) pour polir son image à ce sujet. Lorsque la porte-parole affirme que « Ce n’est ni le ton ni les propos qui ressortent » de ces consultations, l’UQAM fait fi du fait que cette révision est le fruit même de luttes féministes perturbatrices antérieures. C’est la même chose du côté de la présence d’une intervenante féministe du CALACS Trêve pour Elles sur notre campus, présentement vantée par l’UQAM, mais qui dû être revendiquée pendant de nombreuses années par le milieu étudiant et féministe uqamien.
Les consultations sur cette politique ont fort probablement généré de nombreux commentaires positifs car sa révision s’est faite en accord avec les bonnes pratiques soulignées par les milieux de l’action et de la recherche féministe. Les publicités détournées ne semblent quant à elles ne pas avoir eu pour cible cette fameuse politique, mais plutôt le traitement inadéquat des plaintes de harcèlement par le Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement.
De fausses affiches qui disent vrai
En tant que membres de la communauté, c’est sans étonnement que nous assistons de nouveau à l’expression d’un mécontentement face à ce traitement. Bien que les affiches anonymes étaient fausses, les expériences qui y étaient représentées concordent avec la réalité du terrain. Encore cet été, l’absence de divulgation des sanctions accordées aux professeur-e-s coupables de harcèlement était dénoncée par des survivantes. De plus, les stagiaires, étant majoritairement des femmes, demeurent exclu-e-s de la Politique 16. Alors que les stages en milieux de travail sont obligatoires à l’obtention du diplôme et que le contexte d’évaluation est un facteur de vulnérabilité face aux violences, les étudiant-e-s n’ont aucune protection, ni de leur milieu de stage, ni de l’université.
Si l’UQAM considère que cette action nuit à sa réputation et que ça pourrait influer sur le nombre d’inscriptions, elle devrait plutôt travailler à conserver ses étudiant-e-s inscrit-e-s en leur fournissant un milieu de travail et d’étude sécuritaire et sain, ce qui n’est pas toujours le cas en ce moment. On éviterait que plusieurs étudiant-e-s, dégoûté-e-s de l’accueil et du traitement des plaintes pour harcèlement, choisissent de quitter l’UQAM.
Un système de justice déficient
Le système de justice criminelle comporte un obstacle majeur pour les victimes de harcèlement et de violences sexuelles: l’infraction doit être démontrée hors de tout doute raisonnable, ce qui rend la dénonciation particulièrement difficile pour les victimes et survivantes, voire impossible.
Les victimes sont trop souvent remises en question, blâmées et traitées comme suspectes par le système. Dans le cadre des processus institutionnels de plainte, l’acte de violence n’a pas à être prouvé hors de tout doute raisonnable, mais bien dans une logique de prépondérance de preuves, avec une compréhension des dynamiques propres aux cas de violences sexuelles, ce qui permet donc d’assurer la sécurité des personnes qui dénoncent. Bref, l’application de ces politiques institutionnelles se doit de ne pas reproduire les même biais et les mêmes propensions à culpabiliser les victimes propres à la justice criminelle. Nos universités se doivent de protéger les victimes et survivantes et non leurs agresseurs.
Signataires :
ADEESE UQAM (Association des étudiantes et étudiants en sciences de l’éducation)
AEEAS UQAM (Association des étudiants et étudiantes aux études avancées en sociologie de l’UQAM)
AEESPC-CIRI UQAM (Association des étudiantes et étudiants en sociologie premier cycle et du certificat en immigration et relations interethniques de l’UQAM)
AÉCSD UQAM (Association étudiante des cycles supérieurs en droit)
AECSSP UQAM (Association étudiante des cycles supérieurs en science politique)
AEMS UQAM (Association Étudiante Modulaire en Sexologie)
AFESH UQAM (Association facultaire étudiante des sciences humaines de l’UQAM)
AJP (Association des juristes progressistes)
AMEASS UQAM (Association modulaire d’enseignement en adaptation scolaire et sociale)
AME-DDC UQAM (Association modulaire des étudiant-e-s en développement de carrière de l’UQAM)
Centre des Femmes de l’UQAM
Collectif féminismes et droit UQAM – la Collective
Comité féministe de l’AEESPC-CIRI UQAM
Comité féministe travail social UQAM
CUTE UQAM (Comité unitaire sur le travail étudiant de l’UQAM)
FACS (Femmes aux cycles supérieurs)
Maxine Visotzky-Charlebois et Stéphanie Thibodeau, déléguées étudiantes au Conseil d’administration de l’UQAM
RQCALACS
SÉTUE (Syndicat des étudiant-e-s employé-e-s de l’UQAM)
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