La littérature autochtone, « pour rappeler aux Québécois qu’on existe » 

Bien que la littérature autochtone connaisse un gain de popularité important depuis les dix dernières années, nombreux sont les membres issu(e)s de cette branche littéraire qui considèrent que le peu de formation sur ce sujet cause un manque de visibilité dans les librairies commerciales.

Les œuvres d’auteurs et d’auteures innu(e)s et des Premières Nations sont de plus en plus populaires auprès du lectorat québécois depuis une dizaine d’années, selon le propriétaire de la librairie Hannenorak, Daniel Sioui. Il observe ce vent d’intérêt dans sa librairie, située à Wendake, qui propose la plus grande variété de littérature autochtone au Québec.

« La clientèle augmente à chaque année. En tant qu’éditeur et libraire, on voit qu’il y a un intérêt grandissant au Québec. Les gens attendent des livres autochtones, écrits par des Autochtones », remarque-t-il.

Selon lui, ce mouvement s’explique entre autres par une plus grande présence d’enjeux autochtones dans les médias. « On entend plus parler, en bien ou en mal, de cette communauté qu’avant. Ça rappelle aux Québécois qu’on existe. Les gens curieux qui nous avaient oubliés reviennent », constate-t-il.

L’auteure innue Naomi Fontaine, de la communauté d’Uashat, pense que la nouvelle envie de découvrir cette littérature vient du fait que les Québécois et Québécoises s’identifient aux combats culturels auxquels ces Autochtones font face. « Ils sont inquiets pour leur propre culture. C’est inspirant pour les sociétés modernes de voir qu’un groupe qu’on a tenté de détruire se ravive », avance-t-elle.

Cette soif de culture autochtone se remarque également chez les personnes étudiant en littérature, remarque le professeur en études littéraires et enseignant du cours sur les littératures amérindiennes et inuites à l’UQAM, Daniel Chartier.

Il explique que les ouvrages travaillés dans ses classes datent des années 2000. « Ça prouve que c’est un très récent phénomène. […] L’intérêt des étudiants dépasse le nombre d’œuvres disponibles. […] On est au début de quelque chose », ajoute-t-il.

Manque de formation

Malgré le vent de curiosité pour cette littérature, les grandes librairies ne mettent pas suffisamment en valeur les ouvrages autochtones, selon Naomi Fontaine.

« Les gens sont mal informés et ils découvrent cette littérature alors qu’elle est en évolution », pense-t-elle.

Puisque cette littérature est plutôt récente et que les balises qui l’encadrent ne sont pas encore déterminées, il est plus difficile d’identifier clairement les ouvrages qui en font partie. Un critère est toutefois bien défini, c’est qu’un auteur ou une auteure doit être d’origine autochtone afin que son ouvrage soit classé dans cette branche de la littérature.

« Très peu de gens sont suffisamment formés pour pouvoir trouver et identifier les œuvres autochtones, ajoute Daniel Chartier. Un roman écrit par un blanc portant sur des thématiques et des enjeux autochtones pourrait se retrouver dans une section destinée aux ouvrages des Premières Nations. »

Il explique que la faible quantité d’auteurs et d’auteures autochtones au Québec pourrait être l’une des causes de ce manque de publicité. Ce n’est pas une question de mauvaise foi ou de désintérêt, s’entendent ainsi Naomi Fontaine et Daniel Chartier.

La succursale du Archambault située sur la rue Sainte-Catherine à Montréal présente depuis le mois dernier un présentoir d’œuvres autochtones. On y retrouve entre autres les œuvres de Naomi Fontaine et de la poète Joséphine Bacon, originaire de Pessamit. Ce présentoir n’est toutefois pas permanent dans l’établissement.

Il reste quand même du chemin à faire pour les libraires, souligne Daniel Sioui. « [Ils] doivent être plus conscients. Il y a vraiment de la confusion sur ce qu’est exactement la littérature autochtone, affirme-t-il. On sent qu’il y a une ouverture, mais il reste beaucoup de formation à avoir. »

Cette confusion est parfois due au fait que cette littérature n’a pas de définition unique et qu’elle se redéfinit dans chacun des ouvrages qui voient le jour, explique Naomi Fontaine.

Elle insiste toutefois pour dire que cette catégorie d’écriture est unique et qu’elle doit être clairement identifiée. « Le Québec ne voudrait pas voir sa littérature classée parmi les œuvres canadiennes. C’est la même chose pour nous, insiste-t-elle. Nous sommes une nation distincte et nous avons une culture distincte. »

Un ancrage chez les Québécois

La littérature inuite et des Premières Nations n’a pas fini de prendre de l’expansion et ce nouvel intérêt est là pour rester, pense Daniel Chartier. « Il y a toujours eu des drames touchant les Autochtones dans les médias, mais maintenant les gens ont l’air de vouloir que ça change pour de bon », ajoute-t-il.

En effet, l’attention médiatique que les Premières Nations ont connue dans les dernières années a incité la société à s’intéresser davantage à cette culture autrement que pour l’aspect négatif. Cette curiosité nouvelle a ainsi permis à leur richesse culturelle d’avoir un apport plus présent dans la culture québécoise, selon M. Chartier.

À travers son travail, Naomi Fontaine remarque aussi que les Québécois et Québécoises ont à cœur les enjeux sociaux, politiques et culturels des Autochtones. « Quand je rencontre des gens et que je fais des conférences, on vient me voir pour me dire qu’on trouve ça important la culture autochtone et qu’on veut s’y intéresser. […] Je suis confiante pour l’avenir de ce côté-là », affirme-t-elle.

photo: LUDOVIC THÉBERGE MONTRÉAL CAMPUS

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