Autrefois champion des comédies musicales, le Québec arrive aujourd’hui de peine et de misère à multiplier ces productions à grand déploiement. Les grands succès de Notre-Dame-de-Paris ou de Don Juan sont encore fredonnés par plusieurs, mais les comédiens à l’affiche de ces spectacles sont bien souvent relégués aux oubliettes.
L’agenda de la comédienne Geneviève Charest est bien noirci. Cette habituée des comédies musicales est apparue dans plusieurs productions connues du grand public dont Hairspray, Les misérables et Don Juan. «Pour les artistes de théâtre musical, c’est difficile de percer quand tu n’es pas déjà connu», estime-t-elle. Malgré la pile de contrats qui s’épaissit, son nom ne trône toujours pas en tête d’affiche, faute d’attention médiatique envers cette forme d’art.
Le théâtre musical est loin d’être un gage de célébrité pour les comédiens qui roulent leur bosse dans cette industrie. Pour Geneviève Charest, la perception du public est souvent erronée lorsqu’il est question de la carrière des artistes de la comédie musicale. «Quand je suis sur un projet plus visible, les gens viennent me voir pour me féliciter, raconte-t-elle. Parfois je travaille aussi fort, voire plus, sur un projet de moins grande envergure et les gens pensent que mon travail stagne.» À son avis, la fin d’un projet d’envergure est loin d’empêcher les comédiens de poursuivre leur ascension dans le domaine.
La couverture des médias permet ou non la reconnaissance des artistes de cette industrie dans la sphère publique. Selon Geneviève Charest, certaines comédies musicales sont spécifiquement réalisées afin d’attirer l’attention des médias et du public. «Les chansons dans les grosses productions comme Don Juan et Sherazade sont faites pour être populaires, affirme la comédienne. Si on prend un spectacle comme Une vie presque normale, on ne pourrait jamais passer ces chansons à la radio.»
Le défi est de taille pour les comédiens désireux de se faire connaitre. Pour Lise Picard, coordonnatrice de l’option théâtre musical du collège Lionel-Groulx, il faut savoir être multidisciplinaire pour gravir les échelons. «C’est un domaine qui est très spécialisé. Ce n’est pas tout le monde qui peut tout aussi bien chanter, jouer et danser», croit-elle. La pression est forte pour les comédiens qui désirent percer. «C’est une question de contact, prévient Lise Picard. Si tu réussis à décrocher un rôle et que tu fais la job, on te rappelle.» Le nombre important de performeurs dilue aussi l’attention portée sur chacun d’entre eux, croit le producteur exécutif de Juste pour rire, Mike Mendell. «Ça complique la chose, parfois on peut avoir jusqu’à 20 comédiens, chanteurs et danseurs sur scène.»
Le marché en voie d’ébullition
Lise Picard croit que les comédies musicales doivent encore trouver leur niche au Québec. «On n’est pas encore dans une culture de théâtre musical comme à Broadway, ça coûte très cher pour l’instant de produire d’aussi grosses comédies musicales.» Mike Mendell admet que plusieurs aspects doivent être pris en compte pour produire des pièces d’envergure. «On parle de coûts plus élevés, d’une plus grosse production, d’achat des droits de la pièce, de plus grands décors», énumère-t-il.
L’industrie de la comédie musicale est pourtant loin d’être en régression selon Geneviève Charest. D’après elle, les distributions de spectacle qui mélangent des comédiens déjà connus avec d’autres moins médiatisés permettent à ces derniers de se faire remarquer. Lise Picard maintient elle aussi que la discipline gagne en popularité. «Le théâtre musical est en pleine effervescence au Québec, assure-t-elle. On voit plein de petits projets qui se greffent autour des plus grosses productions et les acteurs en profitent.» Le producteur Mike Mendell perçoit quant à lui l’expansion éventuelle des comédies musicales à plus grande échelle. «Il est en train de se développer une base théâtrale importante en Amérique du Nord», soutient-il.
Des actions sont sur la table pour rendre plus populaires les comédies musicales et ainsi favoriser l’ascension des acteurs qui y participent. Juste pour rire essaie présentement de changer les procédures pour rendre les pièces plus rentables, soutient Mike Mendell. «On veut tenter de réduire les coûts de production pour partir en tournée, expose-t-il. On veut aussi augmenter le nombre de représentations pour les faire passer de 50 à 60 plutôt que de 30 à 40.» La comédienne Geneviève Charest espère quant à elle voir fleurir davantage cette industrie. «Peut-être qu’un jour, rêve-t-elle, nous aurons nos propres Tony Awards!»
Crédit photo: Foto d50
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