S’abstenir pour mieux lutter

Des bureaux de scrutin ont fait leur apparition à l’UQAM. Au même moment, plusieurs voix pro-abstentionnistes s’élèvent et encouragent les étudiants à boycotter les urnes le 7 avril prochain.

Des affiches placardées sur les babillards de l’Université, crient des slogans comme «On vote pas, on lutte !» ou «Aux prochaines élections, on vote pour Personne». L’installation des bureaux de vote dans les établissements d’enseignement fait partie des nouvelles mesures prises par le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) afin d’augmenter la participation des étudiants aux élections. Néanmoins, une partie de la masse étudiante de l’UQAM se dit plutôt sceptique et prône, au contraire, l’abstentionnisme.

«L’UQAM a une politique d’indépendance face aux partis politiques et interdit la présence de comité de  »jeunesse militante » ou tout sous-groupe ayant une appartenance à un parti politique, indique l’ancien étudiant en sociologie, Samuel. [En ce sens], le Directeur général des élections devrait être considéré comme un parti politique et être exclu de l’enceinte de l’Université.» C’est autour du Comité abstentionniste que s’articule le contre discours actuel à l’UQAM. Regroupant divers étudiants de l’Université, mais aussi des personnes oeuvrant au sein de réseaux d’entraide, le regroupement fait de plus en plus parler de lui.

«C’est un contrepoids à toute l’information qui circule en période électorale par rapport au sacrosain vote», indique Lisa*, étudiante en philosophie et membre du Comité abstentionniste et de l’exécutif de l’Association facultaire étudiante des sciences humaines (AFESH), qui a souhaité garder l’anonymat. Pour elle, il ne s’agit pas seulement d’un choix assumé, mais bien d’un choix revendiqué. «En mon sens, déposer un bulletin de vote dans une urne revient à légitimer un système que je veux combattre», statue-t-elle.
Lisa ne sera pas la seule à boycotter les bureaux de scrutin à l’UQAM pour les prochaines élections. Pour Samuel, ancien étudiant en sociologie et également membre du Comité, le vote est un geste illusoire en soi. «Nos sociétés n’encouragent pas l’activisme politique. Malgré les prétendues bonnes intentions de la classe politique, tout fonctionne pour que les citoyens n’aient ni le temps, ni la volonté de lutter concrètement pour changer leur milieu de vie.» Également membre du Comité abstentionniste, le militant considère que le système de vote actuel ne donne pas réellement la parole aux citoyens.

De leur côté, les associations étudiantes ne se disent pas directement impliquées dans ce mouvement pro-abstentionniste. «L’AFESPED et l’AFESH n’ont pas ce mandat-là», explique la membre de l’exécutif de l’AFESH, Lisa. Seule l’Association facultaire des étudiants en arts (AFEA) s’est exprimée sur la question, notamment par l’une de ses résolutions qui est le démantèlement de l’État. Cette dernière agit uniquement à titre d’organisatrice des rencontres du Comité abstentionniste, dont celle qui a eu lieu le 25 mars dernier au pavillon Judith-Jasmin.

Par la distribution de macarons, d’affiches et d’autocollants, les membres du Comité abstentionniste tentent de sensibiliser la communauté étudiante de l’UQAM. Cette mobilisation ferait ainsi fi de toute perturbation «physique». «Les bureaux de vote sont intouchables, la plupart des gens ne sont pas prêts à courir le risque [d’une répression policière], révèle la membre de l’exécutif de l’AFESH, Lisa. Ils vont plutôt agir contre le vote à travers des campagnes d’information et dans le discours.»

Voix divergente

Une première tentative pour installer des bureaux de vote à l’UQAM avait eu lieu lors des élections de 2012, dans le contexte de la grève générale illimitée. L’ancien étudiant à la maîtrise et membre de l’Association étudiante de l’École des sciences de la gestion (AEESG), Renaud Gignac, avait proposé le projet au nom de sa faculté lors d’une rencontre interfacultaire. Sa proposition n’avait pas fait consensus auprès des cinq associations présentes à la rencontre et avait rapidement été rejetée. À l’heure actuelle, ce dernier se dit heureux de ce revirement de situation. Selon lui, rapprocher le processus de vote des étudiants dans les cégeps et universités est une excellente initiative. «Le vote est une composante essentielle de la démocratie et c’est important que les étudiants et étudiantes aient accès, le plus possible, à ces moyens pour faire valoir leurs idées», souligne-t-il. En 2012, une étude menée par le DGEQ avait enregistré une participation record des jeunes aux élections. Celle-ci indiquait une augmentation de près de 26 % entre celles de 2008 et 2012, chez les 18 à 24 ans. Pour Renaud Gignac, le vote n’est toutefois pas une fin en soi. «L’installation de bureaux de vote dans les établissements d’enseignement devrait être une constante qui va au-delà du contexte très particulier de la grève étudiante, précise-t-il. Les enjeux politiques généraux touchent tout le monde et les jeunes doivent se positionner.»

Pour la membre du Comité abstentionniste, Lisa, ne pas voter n’est pas nécessairement synonyme d’apathie politique. «La plupart des gens qui s’abstiennent politiquement sont des gens qui sont très actifs dans leurs associations étudiantes et dans leur milieu social», explique-t-elle. Pour l’ancien étudiant en sociologie, Samuel, l’implication citoyenne doit aller au-delà du vote. «L’important est de ne pas faire du geste de voter la seule action politique qu’un citoyen doit faire durant les quatre prochaines années.»

Le Comité abstentionniste fera partie du contingent de la manifestation nationale contre l’austérité organisée par l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSE) le 3 avril prochain, quatre jours avant les élections générales provinciales.

*Nom fictif

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