On dit souvent de l’UQAM que c’est un gros cégep. Samedi soir, encore, autour d’une bière, on m’en faisait mention. «Ah, tu vas à l’UQAM? Tu devais tripper en masse au cégep, toi!» La réflexion fait sourire, mais en rentrant chez moi, je me suis mise à penser à ce que j’aurais fait sans cégep. Si notre système était fait de telle façon qu’en finissant mon secondaire, je sois propulsée directement sur les bancs de l’Université. Une catastrophe annoncée dans mon cas, parce que franchement, sans passage au collégial, j’aurais été bien perdue. Dans mes cinq premières semaines de cégep, j’ai changé de profil, croyant dur comme fer être destinée à l’écriture plutôt qu’au cinéma. En deux ans, l’artiste en moi a eu le temps de prendre sa retraite et j’ai choisi la voie du journalisme. En deux ans, je suis passée d’adolescente à adulte. En deux ans, j’ai appris beaucoup, je me suis bâti une culture générale qui, à mon avis, aurait été introuvable ailleurs et qui me permet aujourd’hui de remporter haut la main des parties de Trivial Pursuit. Tout ça grâce à des profs passionnés qui montaient sur des chaises et avec qui j’ai fait des récitals de poésie.
Les professeurs de cégep n’ont pas la tâche facile. Enseigner à des jeunes, souvent en sciences nature parce que perdus, en sciences humaines parce qu’indécis ou en arts et lettres parce que flemmards, n’est pas une corvée qui peut être simplement acquittée. C’est une vocation. La lutte entre le Conseil du trésor et les professeurs de cégep autour d’une diminution alléguée de 5% du salaire des enseignants ramène le débat quant à la pertinence du cégep à la Une. Un jour, la CAQ veut l’abolir, le lendemain, c’est la menace incertaine du Conseil du trésor qui crée de la houle. Mais jamais de vague. On en jase des cégeps, souvent même, mais le débat ne prend jamais le premier plan. Abolir ou pas? Évidemment, sans le cégep, mon parcours aurait été différent. Comme des centaines de milliers d’autres jeunes, j’y ai découvert ce que j’avais envie de faire. C’est un ensemble de facteurs, un amalgame de rencontres, de points de vue et de réflexions qui m’ont menée à faire les choix que j’ai faits. Par contre, sans mes professeurs de cégep, sans leur apport à mon cheminement, j’aurais sans doute changé de parcours des dizaines de fois et je serais toujours errante à me demander vers où aller, sans doute perdue quelque part dans un obscur cours de littérature médiévale.
Depuis les événements du printemps 2012, l’éducation au Québec n’a jamais été aussi scrutée, dépecée. Et personne, encore, n’est monté aux barricades pour défendre les salaires discutables de ceux qui forment la société de demain. Être prof, ça demande beaucoup. Au primaire, au secondaire, au cégep, à l’université, peu importe le niveau d’enseignement, un prof, c’est un prof dans toutes les sphères de sa vie. Ça reprend les erreurs de langage de ses amis, ça corrige des copies la fin de semaine, ça planifie des cours les mardis soirs. Et chaque jour, de septembre à avril, à mai, à juin, ça se lève pour aller éduquer le Québec. Et on veut les payer moins? D’après le Guide des salaires selon les professions au Québec, un prof, peu importe le niveau d’enseignement, gagnait en 2012 un salaire hebdomadaire moyen qui oscille entre environ 1000$ et 1400$. Rien à faire pleurer, rien à plaindre. Mais reste quand même la question, on veut les payer moins? Au-delà des chiffres, la vocation d’enseignant est primordiale et devrait être rémunérée à la hauteur de son impact. Le Conseil du trésor continue à affirmer qu’il ne diminuera pas le salaire des profs de cégep, que les négociations prendront place en temps et lieux, en 2015, lors de l’arrivée à échéance de leur convention collective. Si le Conseil du trésor choisit d’aller dans la direction d’une diminution de salaire, c’est sans doute qu’il n’a rien compris de la véritable richesse d’une société.
Sandrine Champigny
Rédactrice en chef
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