Ça chauffe pour le papier. Alors que les publications culturelles s’éteignent à petit feu, les blogueurs reprennent de peine et de misère le flambeau pour couvrir la scène émergente.
Le journal Voir est une référence en matière de couverture de la culture alternative québécoise. Toutefois, à mesure que l’hebdomadaire gratuit retranche ses pages, faute de revenus, moins d’espace est réservé aux artistes de la relève. Le reste se retrouve sur la Toile dans les différents médias numériques émergents. L’engouement des consommateurs pour ces webzines a poussé, entre autres, le Voir Mauricie, le Voir Saguenay, le Nightlife et plus récemment le Mirror à cesser d’imprimer. Il est pourtant aussi ardu, pour l’instant, de survivre sur le web, les publicitaires n’ayant pas encore suivi la tendance numérique. La passion avant tout, les revenus… peut-être plus tard.
Comme une horde de webzines et de blogues apparaissent sur Internet chaque jour, une concurrence s’est installée entre les artisans du web. «Pour se démarquer, il faut vraiment trouver un filon qui n’est pas encore exploité, explique la rédactrice en chef du blogue de mode Ton petit look, Josiane Stratis, qui a lancé récemment une section de son blogue en anglais pour rejoindre plus de lecteurs. Il faut mettre des heures incalculables pour former un réseau de pigistes afin de publier du contenu le plus souvent possible.» Autrement, le blogue risque de disparaître aussi vite qu’il a été créé.
Les petits dans la cour des grands
Contrairement aux grandes entreprises de presse, les blogueurs et journalistes indépendants doivent bien souvent s’occuper seuls de la promotion et de la coordination de leur média. «C’est pour cette raison que même s’il y a plusieurs joueurs sur le web, la plupart ne survivent pas bien longtemps», admet Simon Jodoin, directeur web du blogue Bang Bang, affilié à Communications Voir inc. Certains réussissent toutefois à développer des partenariats avec des sociétés publicitaires, telles que Newad qui s’occupe du Nighlife.ca. Sans eux, les blogueurs doivent parfois accepter des propositions de publicités qui divergent de leur ligne éditoriale. Josiane Stratis se souvient d’avoir déjà accepté – à contrecoeur – de diffuser une pub de nourriture pour chien.
Le webzine culturel Sors-tu.ca est l’un des seuls à être rentable au Québec avec ses quelque 65 000 visiteurs uniques par mois. Même si l’affluence sur le site est supérieure à la moyenne québécoise, le rédacteur en chef et fondateur, Marc-André Mongrain, sait que la valeur de son média indépendant restera modeste et son équipe, minimaliste. «Il est impossible de bâtir un empire sur le web comme l’ont fait les grands médias à l’époque. Même si d’année en année, le monde consulte davantage les publications en ligne, il reste que plus il y a de joueurs, moins c’est possible de faire d’immenses gains financiers», dit-il. Pour survivre, les médias numériques peuvent opter pour les abonnements payants, mais la pub demeure tout de même la source de revenus principale.
Le buzz du webzine
Libres de toute contrainte éditoriale et de deadline, les blogueurs peuvent adopter un ton familier, couvrir l’underground au loufoque et publier quand bon leur semble. Ton petit look a, par exemple, profité du récent passage de l’ouragan Sandy pour diffuser un spécial bottes de pluie. Un hebdomadaire n’aurait pas nécessairement pu imiter l’initiative, selon la rédactrice en chef Josiane Stratis.
Pour le fondateur de Sors-tu.ca, le talon d’Achille des webzines est l’absence d’une réglementation claire en matière d’éthique journalistique sur la Toile. «Il y a des cas de plagiat, affirme-t-il. C’est dommage que la rigueur des médias traditionnels ne se transmette pas du côté des médias numériques.»
Le chroniqueur et blogueur au Soleil, Nicolas Houle, est d’avis que plus il y a de gens pour parler de la culture émergente, mieux c’est. «La couverture de la relève artistique est plus vivante sur le web que dans les journaux papier. Comme les médias traditionnels disposent de moins d’espace, on ne peut évidemment pas parler de tous les artistes. On couvre la scène locale, mais si U2 vient au Québec, on ne peut pas l’ignorer non plus», admet-t-il. Par chance, la Madone ne passe pas en ville tous les week-ends.
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