On entre en journalisme comme on entre en religion. Par rêve d’incarner le prochain Alain Gravel ou la prochaine Michèle Ouimet, des centaines de jeunes – ou moins jeunes – appliquent au programme de journalisme de l’UQAM. Parmi eux, quelque 60 s’embarquent dans une folle aventure où la passion de l’information côtoie la rigueur, la critique, l’euphorie et la déception.
Bien au centre des principaux médias d’information du Québec, l’UQAM voit passer les «communicateurs» de demain. En attendant la Mecque radio-canadienne, les micros de radio ont droit aux larmes des plus gênés, alors que les salles de montage voient venir des insomniaques armés de sandwichs du Vua. Les premiers articles écrits, eux, saignent à l’encre rouge des professeurs découragés.
Mais certains nouveaux journaleux osent s’aventurer sur la rue Sainte-Catherine, dans un pavillon uqamien méconnu caché entre un sex shop et le chapelier Henri Henri. Guidés par l’odeur du café et des beignes, ils se rendront jusqu’au très chic V-1380. Certains n’y verront qu’une salle de rédaction bordélique avec des chefs de pupitre cernés. Les autres y vivront pendant toute la durée de leur baccalauréat.
Ces personnes sont Michel Venne, Hugo Dumas, Alexandre Pratt, Sophie Thibault, Bruno Bisson, Brian Myles, Isabelle Hachey, Alexandre Sirois, Manon Cornellier, Noémi Mercier, Judith Lachapelle, Vincent Marissal, Nathalie Collard, Lisa-Marie Gervais et ô combien d’autres.
Depuis bientôt 32 ans, des centaines de journalistes ont osé le Montréal Campus avant de braver la tempête médiatique des grands quotidiens. Depuis bientôt 32 ans, le journal indépendant de l’UQAM navigue à contre-courant de l’administration, qui nous a habitués à des cachoteries et à des scandales. Depuis bientôt 32 ans, l’UQAM peut se targuer de former d’excellents journalistes francophones. Le Montréal Campus a toujours été un pilier du journalisme étudiant indépendant.
Qu’on se le dise : le monde des médias est en crise. Il converge vers le web, vers le médium-qui-ne-coûtera-pas-cher. Là où le bât blesse, c’est que le Montréal Campus est un journal universitaire qui fonctionne sans l’aide de son institution. Dans une université qui se vante abondamment de son programme de communications.
Entre vous et moi, un programme de journalisme reconnu à travers la province sans journal, ça fait dur. Ça fait petit. Des petits moyens pour des petites ambitions. C’est ça, l’effet UQAM?
Nous fonctionnons au ralenti. Nous imprimons des journaux de huit pages – du jamais vu – tout en tentant d’aborder les problématiques étudiantes. Nous voulons innover, pousser l’expérience journalistique plus loin pour toute la communauté uqamienne. Or, nous avons les mains liées. C’est un retour en arrière inacceptable pour ce journal qui n’a cessé de croitre et de se développer depuis 1980.
L’UQAM, elle, ne voit en cette institution qu’un groupe étudiant qui ne devrait pas déranger. Récemment, le rectorat a signifié que le Montréal Campus devait se mettre en veilleuse en attendant une possible cotisation étudiante, qui pourrait prendre plusieurs mois, voire des années. Le programme de journalisme, lui? Il n’a pas d’argent. Personne n’a d’argent. Merci, bonsoir.
Autant dire que l’UQAM se fout des initiatives étudiantes.
Heureusement, les journalistes sont des têtes de cochon. Quand la menace de ne plus imprimer notre journal me guette, je me remémore les mots de l’ex-rédacteur en chef Naël Shiab, à l’occasion de notre 30e anniversaire :
«Montréal Campus est notre Étoile du Nord et les boussoles de nos cœurs pointeront toujours vers lui. Comme eux, quand je laisserai le gouvernail à un autre, je ne pourrai cacher ma rage, ma frustration. Car je quitterai alors un grand navire voué à l’exploration et aussi libre que l’air, dans un monde où les idéaux semblent échoués sur une île déserte. Mais je poserai pied à terre le cœur serein. Les rêves ne vieillissent ni ne meurent, et il y aura toujours une relève passionnée pour faire de Montréal Campus le vaisseau amiral des journaux étudiants.»
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