Six visages qui ont marqué l’histoire des Noir(e)s au Québec

Si aujourd’hui plusieurs personnes noires sont présentes dans l’espace public québécois, c’est en partie grâce à leurs précurseur(e)s qui ont su se battre pour leurs droits et dépasser les limites du possible.

Yvette Bonny (1938-…)

Au Québec, la première greffe de moelle osseuse a été effectuée par une femme noire en 1980 : Yvette Bonny. Au cours de sa carrière, elle fait face à beaucoup de réticence de la part de ses patient(e)s. À l’époque, peu de femmes faisaient de telles opérations. Comme elle le dit en entrevue avec la Fédération médicale étudiante du Québec, « [les patient(e)s] doutaient au début de ce que j’étais capable de faire. Étrangement, cela avait tendance à changer une fois la greffe accomplie. »

De telles opérations se faisaient déjà ailleurs, notamment aux États-Unis. Le bon travail d’Yvette Bonny se fait reconnaître, puisqu’elle effectue plus de 200 greffes de moelle osseuse dans sa carrière. En plus des greffes, elle s’occupe d’enfants malades, principalement leucémiques, et collabore avec Leucan. Elle est aussi chevalière de l’Ordre national du Québec depuis 2007, une des plus hautes distinctions décernées par le gouvernement du Québec.

Herbert (Herb) Carnegie (1919-2012)

Quand on pense aux joueurs noirs dans la Ligue nationale de hockey (LNH), des noms tels que P.K. Subban, Jarome Iginla et Wayne Simmonds nous viennent en tête. Mais à l’époque de Herb Carnegie, il n’y en avait aucun. Ce joueur de hockey, né en 1919 à Toronto, a dû combattre le racisme tout au long de sa carrière. Le propriétaire des Maple Leafs de Toronto, Conn Smythe, aurait même déclaré en 1938 être prêt à donner 10 000 $ à quiconque transformerait Herb Carnegie en homme blanc.

Le rêve de Carnegie de jouer dans la LNH ne se concrétisera jamais, mais il rejoint tout de même en 1949 les As de Québec, équipe sénior à laquelle s’est joint le légendaire Jean Béliveau par la suite. Ce dernier déclarera : « À cette époque, les jeunes apprenaient des anciens. Moi, j’apprenais de Herbie. » 

Jean Alfred (1940-2015)

Avant Jean Alfred, aucune personne noire n’avait encore foulé le sol du salon Bleu en tant que député provincial. Ce fut chose faite en 1976, lorsque M. Alfred s’est fait élire avec le Parti québécois dans la circonscription de Papineau en Outaouais.

Professeur de formation, il enseigne en Haïti avant de déménager au Canada au cours des années 1960. Avant son saut en politique provinciale, il enseigne le français à la commission scolaire de l’Outaouais et est conseiller municipal à Gatineau de 1975 à 1976.

Son succès aux élections provinciales de 1976 est toutefois éphémère : il ne réussit pas à se faire réélire aux élections de 1981 dans la circonscription de Chapleau. Il retente sa chance aux élections provinciales de 1989, mais s’incline face au candidat libéral.

Jean Alfred est reconnu comme « le père de l’Hôpital de Gatineau » en raison de sa grande implication dans le dossier.

En 2015, quelques jours après le décès de M. Alfred, son ami Daniel St-Jean déclare à Radio-Canada : « Nommez-moi un député qui en a fait autant pour les comtés de Chapleau et de Papineau que lui. »

René Coicou (1935-2020)

En 1985, à peine 25 ans après sa fondation, la ville Nord-Côtière de Gagnon cesse d’exister. En dépit de son existence éphémère, Gagnon a marqué l’histoire : en 1973, René Coicou est devenu le maire de cette ville et, du même coup, le premier maire noir de l’histoire du Québec. Réélu trois fois, René Coicou était fortement apprécié par les citoyen(ne)s de sa ville d’environ 4000 habitant(e)s.

M. Coicou part d’Haïti en 1957 pour s’installer à Montréal. Il obtient en 1962 un emploi dans la ville minière de Gagnon. Si un gisement de fer est à l’origine de la fondation de la ville, il sera aussi la cause de son abandon. Située à 300 km au nord de Baie-Comeau, Gagnon est fermée en 1985 lorsque la mine de fer cesse ses activités. René Coicou meurt en 2020, à l’âge de 84 ans.

Infographie : Thomas Emmanuel Côté

Yolande James (1977-…)

Ce n’est que 30 ans après l’élection de Jean Alfred qu’une première personne noire a été nommée au Conseil des ministres à Québec. Yolande James devient en 2007 ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles dans le gouvernement libéral de Jean Charest. En 2010, elle change de ministère pour devenir ministre de la Famille. Entre 2004 et 2014, Mme James est élue à quatre reprises dans la circonscription de Nelligan, dans l’ouest de l’île de Montréal. Elle quitte la vie politique en 2014 et occupe entre 2021 et 2023 le poste de directrice générale de la Diversité et de l’inclusion chez Radio-Canada.

Édouard Anglade (1944-2007)

En 1974, Édouard Anglade est devenu le premier policier noir de l’histoire du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Il est également la première personne noire à être acceptée à l’École nationale de police du Québec.

M. Anglade fuit le début de la dictature haïtienne en 1964 pour venir vivre à Montréal. En Haïti comme au Québec, il est important pour lui d’être proche de sa communauté. Durant sa carrière, il tisse des liens avec des organisations comme le Black Community Centre of Quebec pour inspirer positivement les jeunes. La ville de Montréal reconnaît son implication en le faisant citoyen d’honneur en 1997.

Mention photo : Élizabeth Martineau

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