Même si la guerre Israël-Hamas est bien loin de l’UQAM, elle ébranle la vie de plusieurs membres de la communauté uqamienne.
Sarah Benchaya, une étudiante juive au baccalauréat en sciences politiques, vit des moments difficiles. « Ce sont des Juifs qui n’ont rien à voir avec tout ça qui se font battre dans les rues, cracher dessus et mettre des symboles nazis sur leurs portes. C’est horrible, ça ne va pas aider la libération de la Palestine », déplore la femme d’origine israélienne.
À la suite de l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre dernier, Israël a déclaré la guerre à cette organisation, ce qui a aggravé le conflit qui dure depuis 1948. « J’ai beaucoup de peine par rapport à ce qui se passe, c’est compliqué à vivre psychologiquement. Les images d’enfants, qui pleurent leurs parents, que ce soit les enfants israéliens ou palestiniens, ça vient me chercher », témoigne Meriem* une étudiante d’origine algérienne. Découragée, elle ne veut pas s’impliquer dans les manifestations pro-Palestine.
« J’ai beaucoup de peine par rapport à ce qu’il se passe. » – Meriem*, étudiante de l’UQAM
« Je vois des gens qui sont tellement forts et qui s’impliquent. Bravo à eux, mais il y en a qui veulent juste aller bien. »
Le conflit affecte les études de ceux et celles qui sont touché(e)s de près par celui-ci. Pour plusieurs étudiants et étudiantes interviewé(e)s par le Montréal Campus, il est difficile de se concentrer pendant les cours et les examens. « [Le conflit] a beaucoup affecté mes études. Je rédige un projet de recherche. En ce moment, je ne suis pas capable de travailler sur celui-ci. Je ne suis pas la seule dans cette situation », explique Melissa*, une étudiante d’origine libanaise.
L’UQAM retire des affiches
Au début du mois d’octobre, des affiches pour une manifestation pro-Palestine, placardées sur les murs par l’organisation La Riposte socialiste, ont été retirées par l’administration de l’UQAM car elles étaient jugées trop « clivantes ». Sur ces affiches, il était inscrit « Palestine libre, intifada ». « Quelqu’un de l’administration de l’UQAM est venu nous voir et nous a dit qu’on allait devoir retirer nos affiches parce qu’elles allaient à l’encontre de nos politiques. On était un peu choqué de tout ça », a commenté Olivier Turbide, membre de La Riposte socialiste.
« Pour nous, c’est clair, ça fait partie d’une offensive plus générale dans les médias, dans la classe dominante, dans les institutions, comme les universités en général, qui essaient de vraiment [cacher] n’importe quelle critique de l’État d’Israël », ajoute-t-il. Une réunion de sensibilisation a tout de même eu lieu le 16 octobre dernier et se serait déroulée sans problème.
« L’affichage n’était pas autorisé en raison du fait qu’il s’agit d’un groupe qui n’est pas reconnu par l’Université comme étant un groupe étudiant et parce que le contenu de l’affiche, qui faisait référence à l’intifada, représentait un appel à la violence, ce qui n’est pas acceptable pour l’Université », a expliqué Jenny Desrochers, directrice des relations de presse de l’UQAM, pour justifier le retrait.
« Ça me met hors de moi. Je ne comprends pas. On fait juste défendre ce qui doit être défendu », s’insurge Bachir Ibrahim, étudiant libanais au baccalauréat en relations internationales et droit international à l’UQAM, lorsqu’il a appris le retrait des affiches de La Riposte. Pour lui, la manière dont le conflit est présenté dans les médias occidentaux est très dérangeante. « J’ai l’impression que dans la façon dont ils traitent le sujet, le droit humanitaire est moins important pour [les Palestiniens et les Palestiniennes] que pour [les Israéliens et les Israéliennes] », déplore-t-il.
Bachir souhaite que dans le futur, les individus « s’informent autrement que par les médias occidentaux », qui seraient « souvent très biaisés ». « Il faut voir d’autres points de vue qui présentent des éléments d’une façon différente, ça aide à mieux comprendre », ajoute-t-il.
Échos du conflit
« Je le dis tout de suite, il y a une règle. On va discuter de la façon dont on représente le conflit et on va discuter de la façon dont il y a un débat, entre autres à travers les médias, mais on ne prend pas position », affirme Roland-Yves Carignan, chargé de cours à l’École des médias de l’UQAM, au début d’un de ses cours. Les étudiants et les étudiantes interviewé(e)s par le Montréal Campus ont tous et toutes indiqué que les professeur(e)s et chargé(e)s de cours de l’UQAM restreignent la discussion de l’enjeu en classe. « Il y a quelques étudiants qui ont essayé dans plusieurs de mes cours de parler du sujet, mais les professeurs ont arrêté la conversation, en disant que ça n’avait pas rapport avec le cours », raconte Sarah Benchaya.
Les étudiants et les étudiantes pro-Palestine interviewé(e)s sont d’accord avec l’idée que l’UQAM est un endroit sécuritaire pour exprimer leurs opinions. Bachir Ibrahim doit cependant se censurer à certains moments. « Tu ne peux pas essayer de comprendre les propos du Hamas sans paraître comme défenseur du Hamas. Alors que tu ne défends pas le Hamas, tu essaies de comprendre ce qui a mené à ces attaques », déclare-t-il. Le Hamas est considéré comme une organisation terroriste par la majorité des pays occidentaux.
Sarah Benchaya a choisi de ne pas donner son opinion sur le sujet. « Je connais des Juifs qui se sont fait attaquer physiquement dans leur école. Alors pourquoi je me mettrais dans une position où on peut me battre et où je ne peux pas me défendre ? »
Selon elle, il est important pour les étudiants et les étudiantes de l’UQAM « de se rappeler que quand tu discutes des choses comme ça, tu parles à un humain et que la violence et la haine, ce n’est pas la solution pour ta cause. Ça ne sera jamais la solution pour aucune cause ».
*L’anonymat a été accordé à ces personnes car elles craignent des représailles.
Mention photo : Élizabeth Martineau
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