Je vous rassure Scorsese, il y a toujours de l’espoir

Le réalisateur Martin Scorsese a exprimé à plusieurs reprises durant les quatre dernières années que « les films de superhéros ne sont pas du cinéma ». Ses propos ne sont pas totalement faux. Je ne peux cependant qu’espérer un futur où les films de comics pourront inspirer des jeunes à découvrir le cinéma. Comme ils ont su le faire pour moi.

« En fait, Scorsese n’est pas contre le cinéma hollywoodien de divertissement. Il lui reproche surtout un phénomène très particulier : l’occupation des écrans de cinéma par un seul type de films », explique Pierre Barrette, directeur de l’École des médias de l’UQAM.

Cette omniprésence des films de super-héros se fait constamment ressentir. Impossible d’aller dans un cinéma sans qu’il y en ait à l’affiche. À titre d’exemple, en 2023, huit films de superhéros de Marvel et DC sont sortis en salle, contre trois en 2012, l’année du premier Avengers.

Marvel Studios est d’ailleurs le premier coupable. À force de créer un univers cinématographique – le fameux Marvel Cinematic Universe –, la maison mère d’Iron Man et de Capitaine America force son public à visionner de plus en plus de contenu chaque année s’il veut rester à jour. Un investissement de temps non négligeable, qui se fait au détriment de la découverte d’autres œuvres, cinématographique ou non.

Pour être honnête, si je n’étais pas à jour avec l’univers Marvel et n’aimait pas autant ses personnages, il y a longtemps que j’aurais arrêté de tout écouter.

Pierre Barrette indique que Scorsese critique aussi « l’absence d’une réelle vision artistique dans les blockbusters de divertissement ». Encore une fois, Marvel Studios est l’exemple parfait d’un studio de production où le désir de profit règne en maîtres.

Que ce soit en raison de leur utilisation excessive des images de synthèse, de leur tendance à changer énormément de détails lors de la post-production ou de la présence écrasante de Kevin Feige derrière chaque projet, les productions de Marvel Studios perdent de plus en plus leur vision artistique. Elles sont plutôt à la merci des studios qui n’ont pas à cœur le fait de raconter une histoire, préférant créer des « montagnes russes », comme l’a décrit Scorsese.

Malgré tout, les forces créatives derrière les films et séries Marvel ne sont pas éteintes. Il faut cependant creuser, savoir reconnaître la « formule Marvel », afin de déceler les aspects qui sont réellement le fruit d’un processus artistique. Faute de sonner pessimiste, je rejoins Scorsese là-dessus. Malgré des anomalies comme la trilogie des Gardiens de la galaxie de James Gunn ou la duologie des Spider-Verse, il est devenu de plus en plus difficile d’écarter l’implication du studio dans les œuvres.

C’est dommage, car les films Marvel d’antan ont été ma porte d’entrée vers le cinéma et m’ont fait découvrir des artistes comme Sam Raimi, avec son style bien à lui. Un style qui, même si présent dans le récent Docteur Strange dans le multivers de la folie (2022), n’est pas autant ressenti que dans ses Evil Dead ou sa trilogie des Spider-Man du début des années 2000.

C’est ce que Scorsese redoute le plus. Que les gens n’écoutent que des films de superhéros – car c’est tout ce qui est offert au cinéma – et ne puissent donc plus découvrir la créativité derrière le septième art, se contentant de produits générés par la soif de capital.

Mais dans ce paysage de superproductions contrôlées par les studios, les films les plus populaires de 2023 ne sont pas parmi la pléthore de films de superhéros. Peut-être que le public réalise à son tour la perte de l’art dans les films que Scorsese reproche.

Face à cette fatigue des superhéros, Marvel sera peut-être forcé de changer. Pour le faire, s’inspirer de Scorsese pourrait être la solution.

Selon Pierre Barrette, Scorsese a réussi ce que peu ont su accomplir à Hollywood : « allier le pouvoir de la séduction auprès du public, tout en gardant une vision d’auteur ». Il faudrait cependant que Marvel Studios apprenne à faire confiance à ses créateurs et ses créatrices au lieu de forcer un moule qui commence à se faire vieux.

Mention illustration : Chloé Rondeau

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