Marier l’Amérique latine au Québec

Conserver leur culture d’origine tout en s’intégrant à la société québécoise : c’est le défi des Latino-Américains et Latino-Américaines. Le mois de leur héritage en octobre était l’occasion pour cette communauté de se rassembler et de célébrer ses racines.

« Quand je suis arrivé il y a 30 ans, l’espagnol était rarement entendu dans les rues de Montréal alors que maintenant, il n’y a pas un jour où je n’entends pas des gens qui parlent espagnol dans la ville », constate Victor Armony, professeur au Département de sociologie de l’UQAM et originaire de l’Argentine.

Aspasia Worlitzky, âgée de 79 ans, est une immigrante du Chili qui s’est installée à Laval. Le coup d’État du 11 septembre 1973 et la prise de pouvoir du dictateur militaire Augusto Pinochet dans son pays d’origine l’ont forcée à venir s’installer au Québec. « Mon mari travaillait pour le gouvernement [chilien] et c’était dangereux pour les personnes qui y étaient employées », raconte-t-elle. C’est ce qui a motivé la venue du couple et de leurs deux enfants au Québec en décembre 1973.

À leur arrivée, un accueil bien spécial leur était réservé à l’aéroport : les chanteurs québécois Paul Piché et Robert Charlebois les ont accueilli(e)s lors de leurs premiers pas sur le sol canadien. Cela a été un premier aperçu de la culture québécoise pour Mme Worlitzky.

Une communauté conviviale

Résidente du quartier Chomedey à Laval depuis son arrivée, l’écrivaine chilienne a publié deux œuvres littéraires. « Le dernier livre que j’ai écrit est en français, alors je m’étais un peu éloignée de mes racines. Lorsque je vois des opportunités comme celle de participer au mois de l’héritage, je saute dessus », explique-t-elle.

Selon Mme Worlitzky, c’est lors d’événements comme le mois de l’héritage latino-américain que toutes les cultures de l’Amérique latine s’entremêlent et que des échanges intéressants ont lieu. Le 7 octobre dernier, elle a participé à un colloque organisé pour le Festival LatinArte. « À ma table, à un moment donné, on était cinq personnes de cinq nationalités différentes », fait-elle observer, en riant de la coïncidence.

Autant Péruviennes que Québécoises

Lorena Vilchez Mattos et Sofia Gonzales ont toutes les deux émigré du Pérou pour s’installer au Québec. 

Mme Vilchez Mattos, une étudiante en enseignement en adaptation scolaire et sociale à l’UQAM, est ici depuis 2016. Venue pour une année sabbatique, elle a rapidement décidé de rester à Montréal pour poursuivre ses études.

Son intégration a toutefois été plus difficile au début. « J’avais l’intention de parler et d’améliorer mon français, mais les gens que j’ai rencontrés étaient impatients. C’était rendu un fardeau de parler parce que j’avais peur que les gens trouvent ça drôle ou qu’ils soient fatigués d’essayer de me comprendre. Pendant longtemps, je n’ai juste pas parlé », explique Mme Vilchez Mattos, qui a aujourd’hui un entourage plus compréhensif.

De son côté, Sofia Gonzales habite à Montréal depuis 2005. « [Au départ], je n’ai pas cherché à rencontrer des gens d’origine latino-américaine parce que je voulais connaître la culture québécoise. Je voulais très bien parler français et connaître les gens d’ici », explique l’ingénieure qui était en quête de meilleures opportunités d’emploi.

C’est avec fierté qu’elle parle de son pays d’origine, même si la situation socioéconomique n’y est pas idéale. Au Pérou, « on est contents d’avoir un travail quand on l’a, mais ici, on a le choix de réussir différemment si on travaille fort », souligne Mme Gonzales.

Cette dernière évoque également la question de l’orientation sexuelle. « Au Pérou, ce n’est définitivement pas aussi évolué qu’ici. À l’époque, avant 2005, il fallait vraiment avoir une double vie. Tes collègues de travail ne savaient pas ce qu’il se passait dans ta vie, puis tu avais ton groupe d’amis gais », explique-t-elle. L’homophobie et le manque d’ouverture d’esprit font partie des raisons pour lesquelles Sofia Gonzales a choisi d’aller vivre ailleurs.

La curiosité québécoise

« On voit le latino comme une sorte d’immigrant modèle. [Contrairement à] certaines craintes qu’on a pu voir au Québec par rapport à d’autres religions et pratiques culturelles, les Latino-Américains sont vus comme des cousins du Sud. Je pense que ça ajoute un élément de proximité culturelle », avance Victor Armony.

Sofia Gonzales remarque aussi l’intérêt que les Québécois et les Québécoises portent envers ses origines. « Les gens sont très curieux et ils me demandent souvent d’où je viens. Ils veulent savoir pourquoi je suis venue ici et comment la vie est là-bas [au Pérou] », dit-elle.

La Péruvienne est aussi impressionnée par la pluralité culturelle à Montréal. « On ouvre la radio et on écoute des Québécois qui viennent de partout et qui apportent chacun quelque chose de nouveau, ce qui rend le tout plus riche », affirme-t-elle.

À propos de la diversité des parcours, Lorena Vilchez Mattos ajoute que « juste le fait d’être immigrants, ça nous rejoint. On parle déjà la même langue. C’est rare que je dise que je suis Péruvienne, mais plutôt latina. Nos problèmes se ressemblent beaucoup, nos cultures aussi ».

« Le Québec, c’est vraiment un mélange de tout, donc c’est important de célébrer la contribution que l’immigration a apportée à sa culture, surtout à Montréal », exprime Sofia Gonzales.

Mention photo : Chloé Rondeau

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