Le Paradis : la quête d’un jardin d’Éden queer

Symbolisme introspectif, images raffinées et performances touchantes sont au rendez-vous dans Le Paradis, premier long métrage du réalisateur belgo-tunisien Zeno Graton. Camper une histoire d’amour queer dans un milieu inattendu, voilà le pari que réussit ce film.

Dans une institution d’éducation et de réinsertion de mineurs délinquants, le réservé mais insoumis Joe (Khalil Gharbia) est si près de son but : sortir du centre et enfin obtenir sa liberté. Cependant, l’arrivée du mystérieux William (Julien De Saint-Jean) viendra changer sa vision de la liberté, de l’amour et même de son identité. 

À travers le long métrage de 83 minutes présenté dans le cadre du festival de films francophones Cinemania, on assiste à la formation d’une histoire d’amour entre les deux adolescents. Un désir qui se consomme dans l’ombre, loin des regards indiscrets. 

Cet amour se caractérise principalement par sa tendresse, un aspect qui était essentiel pour le réalisateur Zeno Graton. « C’était important pour moi de montrer des garçons qui étaient tendres les uns envers les autres, j’ai l’impression que c’était beaucoup plus subversif de montrer ça », confie-t-il en entrevue avec le Montréal Campus.

La réalité va cependant vite rattraper William et Joe, puisque le potentiel départ de ce dernier viendra remettre en question ce qu’ils ont bâti jusqu’à présent dans leur jardin secret.

Évoquer beaucoup avec peu

Tout en gardant un style épuré, Le Paradis réussit à se démarquer en présentant des images remplies de symbolisme qui évoquent les thèmes récurrents d’amour et de liberté du film. Un moment exemplifiant cela est la scène du premier baiser entre William et Joe, où leur positionnement face à une fenêtre projette la lumière en contre-jour, ce qui rend le moment encore plus intime. On pense aussi à la séquence où Joe va sauver William d’un incendie, résultant en de sublimes plans dans laquelle le personnage principal traverse un espace brumeux teinté d’un rouge onirique. Cette scène cherche à montrer l’amour fougueux entre les deux rebelles. 

Zeno Graton explique que l’image et ses composantes ont été sa porte d’entrée vers le cinéma : « Très naturellement, en écrivant, les premières choses qui me viennent, c’est la caméra, les espaces, comment faire parler les corps. »

Ainsi, le film laisse place à beaucoup d’interprétations libres au public : au lieu de donner directement la réponse aux questions que le film soulève, Le Paradis laisse plutôt l’auditoire se faire sa propre réflexion sur le symbolisme visuel de certaines scènes.

Désir et liberté

Le désir est rapidement établi comme thème principal du film. Même si le premier désir abordé est celui d’une famille stable et aimante, les principaux angles sont ceux du désir amoureux et du désir de liberté.

Certes, Zeno Graton n’a pas réinventé la roue avec ces thématiques, mais il a sans aucun doute fait des choix bien éclairés sur la façon dont celles-ci allaient être abordées, notamment avec du symbolisme et des métaphores poétiques.

L’une de ces plus belles métaphores est sans aucun doute la photographie que les jeunes ont l’occasion de faire dans le centre de détention, en prenant des photos avec une caméra sténopé qu’ils ont fabriquée avec peu de moyens. Leurs sujets sont à la fois beaux et touchants. Même si à première vue, ces derniers peuvent sembler anodins, ils renvoient tous au désir d’une façon ou d’une autre.

La majorité des jeunes du centre prennent des clichés de la nature, d’une fenêtre ou d’une porte, des sujets évoquant d’une certaine manière leur quête de liberté et leur désir de sortir de l’institution. Quant à lui, William se distingue de ses confrères en prenant en photo Joe, rappelant donc le désir amoureux. 

Chimie irrésistible

Impossible de ne pas souligner le travail d’acteur de Khalil Gharbia, de Julien de Saint-Jean et des autres jeunes acteurs qui ont tous donné des performances de grande qualité. Ils ont réussi haut la main à recréer de façon authentique l’atmosphère complexe d’une institution pour mineurs délinquants : la tension, la camaraderie, les frustrations et même les bons moments, le tout étant uni par une chimie palpable entre les acteurs.

« On a fait une semaine de répétition [avec les acteurs] qui était vraiment cruciale dans la fabrication du film. Ils se sont rencontrés, ils sont devenus potes, ils ont exploré leurs personnages pendant une semaine avant le tournage. […] Donc c’est pour ça qu’on a cette sensation de réalité de leur amitié », explique fièrement le réalisateur.

Et il a de quoi être fier, puisque son premier film est un franc succès qui a déjà séduit en Europe et qui continue de séduire au Québec. Après le festival Cinemania, il sera présenté au festival Image+Nation le 17 novembre prochain au Cinéma Impérial à Montréal. 

Mention photo : Le Paradis

Commentaires

2 réponses à “Le Paradis : la quête d’un jardin d’Éden queer”

  1. PAs mal ! Je vais m’en reservir pour mon propre blog.

  2. PAs mal ! Je vais m’en reservir pour mon propre blog.

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