Justin Trudeau a perdu à son propre quitte ou double. Ou devrais-je dire, le journalisme canadien a perdu au quitte ou double de Justin Trudeau.
Rappelons les faits. Le gouvernement canadien a adopté le projet de loi C-18 dans le but d’établir « un cadre pour réglementer les plateformes numériques qui servent d’intermédiaires dans l’écosystème de médias d’information au Canada afin de renforcer l’équité sur le marché canadien des nouvelles numériques ».
En d’autres termes, la loi tient les plateformes numériques, comme Meta, responsables de payer des redevances aux compagnies de l’information avec qui ils auraient signé un deal au préalable.
Or, les géants du web, dont le groupe Meta, ont décidé de mettre leurs menaces à exécution. Pas question de négocier avec tous les médias éligible à cette loi.
Résultat : plus aucun contenu d’actualité sur Instagram et Facebook au Canada.
Bien que le blâme revienne à Meta pour ce pied de nez fait aux entreprises canadiennes de l’information, il faut se poser la question : est-ce que la proposition de ce projet de loi était réellement la solution pour « renforcer l’équité sur le marché canadien des nouvelles numériques » ? Qui va réellement bénéficier de ce type de négociations ?
Il est clairement indiqué que, pour avoir sa place à la table des négociations avec Meta, une entreprise médiatique doit employer au minimum deux journalistes de façon régulière.
Allez faire un tour dans les médias étudiants — qui sont, pour la plupart, bloqués sur les plateformes des médias sociaux de Meta — afin de voir s’ils emploient deux personnes de façon régulière. Les médias étudiants peinent à subsister et leurs opérations sont, pour certains, contrôlées par des étudiants qui y œuvrent presque à temps plein, et ce, pour une simple bouchée de pain.
Alors bonne chance à nous, la relève, pour négocier quelques maigres redevances pour nos publications dans la Metaverse.
Et parlant de négocier, le projet de loi propose que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) appuie les entreprises dans ce processus de négociation qui peut comporter jusqu’à trois étapes : des séances de négociation, des séances de médiation et un arbitrage sur l’offre finale.
N’ayant pas de recette ou de mode d’emploi, chacune des entreprises pourrait négocier selon ses propres conditions, sans pour autant savoir quelles sont les négociations des autres entreprises du même calibre.
Sans vouloir être pessimiste, ce n’est pas demain la veille que l’on viendrait à trouver une entente juste et équitable (tel que le veut la loi, on se rappelle) pour les entreprises d’actualités. Cette proposition contient donc déjà quelques lacunes, ou du moins, quelques pistes de questions.
Deux poids deux mesures
Mais revenons à notre narratif de la situation actuelle, qui est celui où l’on se trouve, nous chers médias, à ne plus pouvoir partager notre contenu sur les médias de Meta au Canada.
Il ne faut pas être alarmiste, tout n’est pas perdu. Mais nous sommes loin d’être sortis de l’auberge. Ce boycottage des nouvelles canadiennes survient alors que la loi n’est pas encore entrée en vigueur (elle le sera en décembre), ce qui pourrait présager que le choix du géant du web est un moyen de négociation contre le gouvernement fédéral.
Meta pourrait, entre autres, utiliser le Canada en exemple étant donné que d’autres pays, notamment en Europe, souhaitent proposer le même type de loi. L’Australie a également adopté une loi similaire avant le Canada.
Certes, le contenu de l’actualité canadienne ne représente pas une si grande part des recettes annuelles sur Facebook et Instagram. Son absence est donc presque sans conséquences pour Meta.
Malheureusement, le constat est différent pour nos médias qui se retrouvent maintenant sans contenu partagé sur Facebook et Instagram, et sans redevance de la part de Meta.
Je vous laisse deviner qui est le plus perdant en ce moment.
Mention photo : Chloé Rondeau
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