Emblème de la vie culturelle et festive de Montréal, le Quartier latin est victime d’une baisse de popularité. Son déclin n’est pas définitif, insistent les commerçants et les commerçantes du secteur, qui ne perdent pas espoir et qui œuvrent pour redorer son image.
Se promener dans le Quartier latin, c’est côtoyer l’effervescence. Sur la rue Saint-Denis entre les rues Maisonneuve et Sherbrooke, aux abords de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), cohabitent bars, restaurants, commerces de proximité, lieux culturels, vie étudiante et itinérance. Depuis quelques années, une baisse de fréquentation touche le quartier. « Il y a moins de [passants et de passantes]. Pour être honnête, je suis un peu inquiète », laisse tomber Debra Richardson, gérante de Pause Friperie.
Ce sentiment est partagé par d’autres commerçants et commerçantes, qui ne cachent pas leur désarroi de voir le quartier s’éteindre. « C’est triste de voir les espaces qui ferment et de passer devant des endroits qui sont délaissés », regrette Pauline Faure, responsable marketing pour le regroupement de bars Les Petits.
Pour le libraire François La Roque, propriétaire de La boîte à son, la pandémie est le facteur principal à l’origine de ce bouleversement. « Il y a des choses qu’on ne peut pas réparer en un claquement de doigts », illustre-t-il.
L’annonce de la fermeture du magasin Archambault en juin et celle du bar Le Saint-Sulpice s’ajoute à leurs incertitudes. Ces institutions ont été au cœur du secteur pendant des décennies. « Est-ce que les commerçants ont envie de reprendre des endroits s’il y a moins de vie ? », s’interroge Mme Faure.
Le Quartier latin a toujours été un lieu reconnu pour son aspect culturel. Son histoire s’est construite autour des universités qui se sont installées au nord de la défunte Place Viger. L’École Polytechnique et l’Université de Montréal ont élu domicile dans le quartier respectivement en 1905 et en 1919. Le nom « Quartier latin » est tiré de l’enseignement en latin qui y était dispensé.
Lorsque ces établissements ont déménagé de l’autre côté du Mont-Royal, en 1940 et en 1958, le quartier a subi une période creuse que l’arrivée de l’UQAM, en 1969, a su rehausser.
Un déclin progressif
Pour le professeur émérite d’urbanisme de l’UQAM Luc-Normand Tellier, c’est une succession de facteurs qui a entraîné à nouveau le dépérissement du secteur. « L’histoire de L’îlot Voyageur a été un tournant dans l’évolution du quartier. […] Depuis ce temps-là, la place Émilie-Gamelin n’a fait que dépérir », fait-il remarquer.
L’îlot Voyageur était un projet de rénovation de l’ancienne gare d’autocars de Montréal entrepris par l’UQAM. L’immeuble devait notamment héberger un pavillon de l’université et des résidences étudiantes. Le projet a été abandonné en 2010, car l’université s’est endettée. À ce jour, les locaux sont encore vides.
Selon le professeur, les conséquences du chemin Roxham se font aussi ressentir dans le quartier, puisque les chercheurs et chercheuses d’asile trouvent refuge à l’ancien hôtel de la Place Dupuis où ils et elles sont logé(e)s.
Le professeur d’urbanisme à l’UQAM Sylvain Lefebvre ajoute qu’« il n’y a pas que l’itinérance [comme problème]. La gestion du patrimoine commercial et les bâtiments qui ne sont pas rénovés sont aussi des causes » du déclin du quartier.
Danielle Pilette, professeure associée au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM, rapporte que le manque d’institutions (hôpitaux, bibliothèques et lieux de pouvoir) dans le quartier est un autre élément à prendre en compte. « C’est un problème plus politique que social », plaide-t-elle.
« C’est l’adaptation ou la mort »
Les trois professeur(e)s rejoignent les propos de M. La Roque quant aux conséquences néfastes de la pandémie. Le libraire, quant aux solutions pour s’en relever, affirme sans détour que « c’est l’adaptation ou la mort ». Les commerçants et commerçantes du Quartier latin ont commencé à diversifier leurs services pour s’adapter aux nouvelles habitudes des Montréalais et des Montréalaises, et ce, avant même que la crise sanitaire ne touche la ville.
M. La Roque vendait des vinyles dans son magasin La boîte à son. Depuis, il a converti le commerce en librairie pour s’adapter à la demande, mais il ne s’est pas résolu à changer le nom de son enseigne, en souvenir de sa vocation première.
Les commerces ont aujourd’hui tissé des liens entre eux pour se soutenir. « Les propriétaires sont très attachés à ce quartier. […] Faire revivre un quartier, c’est travailler ensemble », partage Pauline Faure.
Renouer avec la communauté étudiante
Pour Debra Richardson, les solutions résident aussi dans la communauté étudiante : « Il y a beaucoup d’étudiants dans le quartier. L’idée serait de les attirer. On est situé entre l’UQAM, le Cégep du Vieux Montréal, et les étudiants de McGill viennent se promener dans le coin. »
Des membres de la communauté uqamienne espèrent que le quartier retrouve sa vitalité d’antan. « La diversité du Quartier latin fait tout son charme. C’est un lieu festif, et ça compense le fait qu’on n’ait pas vraiment de campus [à l’UQAM]. Peu importe la saison, il y a toujours un truc à faire », exprime Léa Dalle, étudiante à l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’UQAM.
Pauline Faure est quant à elle confiante : « Il faut attirer la clientèle pour faire remonter la pente au Quartier latin, mais aussi les commerçantes et les commerçants. Les propriétaires ont l’envie de le retrouver ! »
Mention photo : Lucie Parmentier|Montréal Campus
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